Ce qui est pénible dans les biographies, c’est qu’elles finissent toutes mal. Je viens de voir mourir Mac Orlan puis Fargue et j’entame la lecture d’une vie de Perec que je sais déjà être trop courte.
Archives de catégorie : Lectures
#6140
Depuis huit ans, monsieur Gauthier dit et répète que son proprio va le mettre à la porte et qu’une grande barre d’immeubles va surgir à la place de son entrepôt, comme de l’autre côté de la route de Toulouse. Ce devait être pour cet été, après plusieurs reports. En fin de journée, mon camarade Fabrice et moi-même nous y rendîmes, pour ce que nous redoutions être notre ultime visite chez ce bouquiniste incroyable au stock géant… et puis non, le notaire ne voulant pas régler l’indemnité obtenue après un long procès, vient de lui faire signer un nouveau bail. Monsieur Gauthier, 81 ans, va continuer ! J’avoue avoir respiré de soulagement, car la perspective de la disparition d’un tel antre de perdition, à deux pas de chez moi, m’affligeait passablement. Pour fêter cela, je suis reparti avec une dizaine de jolis paperbacks US de SF des années 50 et un Ace Double de western.
#6133
« Oh j’adore Untel », dit le lecteur, mais l’untel change au fil du temps, les goûts littéraires se forment par accrétions, découvertes, oublis, retours, souvenirs… Étant jeune, sans doute aurai-je dit que mes auteurs favoris étaient Tolkien (lu le Seigneur des Anneaux sept fois étant môme, mais je n’y parviens plus), Simak, Dick, Sturgeon, Leiber, Moorcock… Puis j’aurai certainement cité John Brunner et Michel Jeury, mais aussi Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay, Pierre Pelot, Élisabeth Vonarburg, Michel Grimaud, Cordwainer Smith, Michael Coney, Elizabeth Goudge, PG Wodehouse et Ross MacDonald… De tous temps, Franquin, Tillieux, Greg, Macherot, Bottaro, Barks, Georges Chaulet (les Fantômette), Rex Stout (les Nero Wolfe) et Agatha Christie… Roland C. Wagner et Michel Pagel, fidèlement… Puis plus récemment, ce furent Charles de Lint et Neil Gaiman (mon goût pour la fantasy urbaine), Dorothy Sayers et Margery Allingham (mon goût pour le polar british golden age), les polardeux oubliés Jacques Ouvard, Jacques Decrest, ECR Lorac et Nicholas Blake, les modernes Henri Calet, Francis Carco et Eugène Dabit, les british Iain Banks et Jasper Fforde…
Aujourd’hui, qui citer comme ces piliers auxquels, pour moi, revenir sans cesse ? Isherwood, Flaubert, Giono, Simenon, Gracq, Modiano, Murakami, mais aussi Jane Austen, Anthony Trollope, Christopher Priest, Tove Jansson, David Lodge, Armistead Maupin, China Miéville, Michael Chabon, Ellen Kushner, Christopher Fowler (la série des Bryant & May), Ben Aaronovitch, Jasper Fford, les Lupin de Lebanc et les Holmes de Doyle forcément, en poésie Léon-Paul Fargue, Jacques Réda et Philippe Jaccottet, en nature writing Robert MacFarlarne et Richard Mabey… Et des phares, ces livres monuments relus régulièrement : Le Guépard de Lampedusa, Cent ans de solitude de Marquez, Le Grand-Maulne d’Alain-Fournier, Le Pays où l’on n’arrive jamais d’André Dhôtel, L’Iris de Suze de Giono, Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke, Tom et le jardin de minuit de Philippa Pearce, les Harry Potter nonobstant leur autrice, les Maigret de Simenon, Le Prisonnier de Zenda d’Anthony Hope, Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, The Crow Road de Iain Banks ou Encore heureux qu’on va vers l’été de Christiane Rochefort…
#6122
Je ne lisais pas de poésie, dans le temps, m’y suis mis lentement et surtout en prose — j’ai encore du mal avec les vers, dont la forme me semble artificielle, et en écrivant cela je sais qu’il ne le faudrait pas, que c’est maladroit, mais voilà, cette impression due à la simple habitude de lire en prose je ne parviens guère à la dépasser. Et puis contrairement aux Anglais, je crois que la poésie n’est pas tant ancrée dans la pratique de lecture des Français, il n’y a qu’à considérer les grands rayons de poésie des librairies anglaises ou écossaises, et la place de la poésie dans la rubrique Books du Guardian, par rapport à ce qui se pratique ici, la marge. Enfin donc, cette lecture de poésie, c’est venu par exemple lorsque mon oncle Jean me conseilla de lire Jacques Réda : ce fut une petite épiphanie et rapidement l’un de mes écrivains préférés, ce poète du récit urbain, tellement conforme à mes goûts qu’il devint même une sorte d’idéal d’écriture, aussi. Et puis Philippe Jaccotet, pour la nature. Deux autres favoris : Etel Adnan, Hubert Voignier. Au fil des ans, ma découverte d’une autre lecture, des lectures, à picorer, légères, courtes, presque de pure esthétique. Et puis aussi, de fil en aiguille, je découvris au-delà de la poésie une forme littéraire « mineure » : la chronique. Des papiers brefs, d’humeur, de contemplation, de commentaire ou de déambulation. Mes goûts pour la psychogéographie m’avaient déjà fait découvrir le piéton de Paris, Léon-Paul Fargue (et son compagnon et disciple, André Beucler). Un souvenir de conversations avec Lionel Évrard, quand il était à Bordeaux durant mes études, me conduisit à cet autre promeneur d’Henri Calet. Un fascicule de Réda m’ouvrit les portes de cet étrange nomade helvète de Charles-Albert Cingria. Il y eut aussi les notes et carnets de Julien Gracq, autre idéal stylistique. Aux édition du Dilettante, de petits recueils si précieux de Pierre Marcelle, Nicole Verdier, Germaine Beaumont… N’est-ce pas formidable, ces écrivains en liberté qui vécurent en proposant ces fragments de pensées, de souvenirs, de promenades ? Comme les blogs des débuts, des carnets livrés à la lecture publique. Avec une poétique du quotidien, de l’ordinaire, de la vie en somme.
#6115
Silence sur ce blog ? Jours de lassitude, apprendre la lenteur, ranger, lire et écrire. Commencé un roman, je n’en ai pas le titre et à peine l’idée, cela prend forme de manière tranquille. J’en poste de petits bouts sur Insta, des fragments que je rédige à la volée sur le téléphone, comme je l’avais fait en partie pour mon précédent roman, celui qui sort en septembre chez Koikalit. Mais pas de Bodichiev pour cette fois-ci, un projet bien plus ambitieux je crois. Lectures de Murakami, de Simenon encore, de Zafón, de Pessoa, de Mac Orlan, d’Anatole France, d’Hervé Picart, de Germaine Beaumont, de Vita Sackville-West, de Michel Chaillou… Il pleut.