#2319

il y a pas mal d’années de cela, je m’étais baladé dans Hackney Marsh, les terrains autour des doubles cours d’eau rivière Lea et canal Lee Navigation. Avec l’arrivée du parc olympique, j’étais fort curieux de voir ce que cet environnement était devenu, comment on l’avait transformé. Le fait est que, finalement, lorsque l’on descend le long du canal ces transformations ne sont pas très surprenantes: par endroits, les taudis et les usines abandonnées ont été remplacés par de nouveaux groupes de petits immeubles, ce qui vaut tout de même mieux. Quant à la vaste zone industrielle en friche, sur la droite, eh bien c’est devenu une non moins vaste friche olympique, aussi neuve qu’aride. Je ne m’en suis pas plus approché que cela: de mon point de vue, ce type de grandioses installations est à peu près aussi compréhensible et nettement moins intéressant que les déchets extraterrestres géants de Stalker.

Je sais que la rivière Lea a été redessinée, qu’elle contourne élégamment le grand stade, bien bien, mais pour le reste ces alentours demeurent toujours aussi intéressants — plus même, car il semblerait que nombre des anciennes installations industrielles aient été reconverties pour les branchés, faisant de Fish Island une sorte de nouveau Brooklyn… Il reste encore quantité d’entrepôts, des gasomètres élèvent encore leur squelette circulaire, le parc olympique n’a pas encore tout aseptisé ni rasé. Sur le canal flotte une senteur de bois brûlé, sinuant en bouffées grises depuis les cheminées de certaines péniches amarrées là.

Lee Navigation, Lea River… La fois dernière, ayant déjà marché considérablement (je venais plus ou moins d’Eping et j’avais descendu toutes ces collines jusqu’à la vallée de la Lea, une expédition dont je me souviens encore fort bien, mémorable qu’elle fut), j’étais fatigué arrivé à l’endroit où les deux cours d’eau se rejoignent et, une averse menaçant, j’avais regagné l’arrêt de bus le plus proche pour rentrer à l’hôtel. Cette fois, j’ai persévéré, afin de découvrir une longueur de canal m’étant encore inconnue. J’adore les canaux de Londres, ce n’est pas nouveau, et pour moi Limehouse Cut ça l’était, nouveau. Sous le ciel très bleu, dans la nature automnale et avec cet air que je qualifierai de vivifiant sans, pour une fois, mettre d’ironie dans cette expression, la marche fut ravissante. Tant et si bien que, parti tôt le matin, je me retrouvais à midi à peine sur le bassin de Limehouse. Je continuai donc, cette fois par les bords de la Tamise. Enfin, un peu las, je m’assis sur un banc dans le King Edward Memorial Park et lu un long moment, jusqu’à finir Vortex de Robert Charles Wilson (de l’avantage de la liseuse). Un roman bien meilleur que le deuxième volume de la trilogie — c’était facile —, mais également, je crois, plus ample encore de vision et finalement plus impressionnant, ce qui n’est pas peu dire, que le premier, Spin. Wilson dans ce roman me semble se rapprocher d’un Greg Egan, en fait. Et en parlant de surdimensions… Le soleil me chauffait douillettement, la Tamise turbulente faisait cogner ses vagues comme la mer, une impression renforcée par le cri des mouettes, et là-bas, dans la brume bleutée, l’immensité des nouveaux bâtiments londoniens est telle que Canary Wharf et ses voisins serrés me faisaient presque l’effet de petits immeubles, autour d’une boucle de la Tamise réduite à un lac par ma perspective faussée. La taille de Londres me sidère (un peu) et il reste de tels espaces à développer (beaucoup)… C’est impressionnant, ça aussi.

Well, well, how time flies: quand finalement j’arrivais aux St Katharine Docks (juste sous le Tower Bridge), cela faisait déjà… euh, plus de cinq heures que je marchais? Fichtre. Et même pas trop fatigué, alors qu’il faut bien avouer que le deuxième soir j’avais les jambes douloureuses.

3 réflexions sur « #2319 »

  1. En lisant ce billet, je ne peux m’empêcher d’imaginer la banlieue où se passe Spider, ce quartier dominé par le fantôme d’un gazomètre défunt… (je n’ai aucune idée de l’endroit où ça se trouve, je suis d’une ignorance crasse en matière de topographie londonienne, c’es sans doute les squelettes circulaires qui m’y ont fait penser).

  2. Oups. C’est un film de Cronenberg, qui se passe dans un quartier populaire de Londres, dans les années 90, avec de nombreux flash-backs vers le début des années 60. A l’arrière-plan, on voit souvent un énorme réservoir à gaz qui domine les maisons, tantôt encore intact, tantôt réduit à l’état de squelette (je ne spoile pas davantage si vous ne l’avez pas vu).

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