#2588

En m’installant à Bordeaux il y a quelques années, j’avais plein d’envies, notamment la résolution de faire la connaissance de certaines personnes — mes « people » à moi, on va dire. Eh bien, c’est fait. Je reviens d’une journée chez un grand monsieur des lettres, un écrivain que j’admire de très longue date. Mode groupie on. Heureux je suis (et un peu ému, aussi).

#2587

Bonheur (de lecture) absolu : je termine lentement Summerlong de Peter S. Beagle, quel délice. Son seul roman depuis une bonne dizaine d’années. Une sorte de Théorème de Pasolini qui serait revu par Brautigan et imbibé de fantasy… Touchant, subtil, fort. Un vraiment grand auteur, que sa rareté et la singularité de son inspiration ont condamné à être trop peu connu, il est d’ailleurs de nos jours uniquement publié outre-Atlantique en « small press », et peu traduit en France bien sûr (en dépit des efforts fait à une époque, je me souviens qu’il avait même été invité aux Utopiales). En septembre, Charles de Lint publie (en auto-édition) son premier roman également depuis une dizaine d’années. Hâte.

#2585

Face aux monceaux de livres que j’ai en retard de lecture, pourquoi lire si vite le prochain Mauméjean, ne me demandez-vous pas ? Eh bien, c’est que c’est un ami, mais plus encore, j’ai écrit plusieurs essais avec lui — les bio de Holmes et de Poirot qu’en janvier, avec ma bio solo de Lupin, la collection de poche Hélios va rééditer. Je viens juste de boucler les trois fichiers. Et lorsque Mauméjean, mon excellent camarade Xavier, sort un nouveau roman (La Société des faux visages) je suis curieux, très curieux. Curieux de savoir quelle « machine » il a fabriqué et de voir comment elle fonctionne. D’autant que la veine qu’il explore depuis maintenant trois romans n’est guère éloignée de ce qui motiva nos biographies. Les commentateurs germano-pratins, jamais à cours d’inculture, ont récemment forgé l’étiquette d’exofiction pour les plus ou moins bio romancées, les vies réinventées, ce genre de choses — pour la fiction, quoi. Alors avançons que Mauméjean est le roi de l’exofiction, et pas depuis peu. Avec Alma il semble avoir de plus trouvé son éditeur idéal, des petits formats élégants, sobres à la française, et cette fois il propose un titre fort mystérieux, une énigme très étrange, une histoire bien folle. C’est étonnant combien ces « exofictions » mauméjeanesques fonctionnent bien pour moi, alors qu’elles se situent en dehors de mes propres sentiers lus et battus. Je ne saurai dire exactement pourquoi, je ne me prétend pas « critique », il y a cette documentation subtilement glissée (touchant du doigt presque son versant essayiste), il y a cette sécheresse de style (moi qui aime le lyrisme), il y a cet étonnant intellectualisme de concept allié à une tendresse pour ses protagonistes (cette fois Houdini, Freud et Jung), cet imaginaire de l’étrange, du freak, du tordu, curieusement plus souvent chaud que sombre. Drôle de type, Mauméjean. Je l’aime bien.

#2584

L’un des avantages des lectures « pro », tout ce que je lis ou relis pour les Moutons électriques et projets annexes, c’est que cela me soulage de la sempiternelle question « bon et maintenant je lis quoi ? ». Question qui revient avec une étonnante régularité sinon, indécis que je suis, partagé entre tous ces livres que je n’ai pas encore lus ou que j’ai l’impulsion de relire, et bien souvent j’en prend un, le commence, le repose, vais en chercher un autre, le feuillette, finalement non, j’en prends un autre et ainsi de suite jusqu’à ce qu’enfin mon humeur se stabilise. Ainsi avais-je entamé plusieurs fois Wild Chambers de Christopher Fowler, la dernière en date des enquêtes particulières de Bryant & May — et pourtant, il s’agit d’une de mes lectures favorites. Enfin, je viens de le lire, avec l’habituel plaisir et quelques rires ravis. Pas d’attente en revanche pour le prochain Mauméjean, La Société des faux visages, court, fou et lu ce week-end alors que je venais juste de le recevoir. Ce soir je pense entamer le début du prochain Jaworski — enfin, ce qui est déjà écrit de son prochain (oui oui, jalousez-moi). Ensuite ? Je ne sais encore, pour le moment je suis de nouveau plongé dans Soft City de Jonathan Raban, cet étonnant essai / mémoire sur la vie en ville, datant de 1974, que j’avais acheté en 1998 et que je crois bien n’avoir jamais fini, le picorant parfois, y revenant souvent, chaque fois fasciné puis lassé par sa densité, mais cette fois c’est à la recherche de certaines inspirations, certaines humeurs ponctuelles pour des travaux d’écriture en cours, que je l’ai rouvert. On a bien le droit de ne prendre ainsi que des aperçus d’un livre, après tout — ce que propose tout naturellement un recueil de nouvelles, j’en ai donc picorées quelque-unes dans Get in trouble de la toujours étonnante Kelly Link, aussi, ces jours derniers où j’essaye d’un peu lever le pied niveau boulot.