#4064

Dans le ciel lumineux du début de journée, la musique joyeuse et dissonante des vols de grues en migration m’appela au dehors. Comment rester enfermé par un jour férié aussi beau, qui claironne et cancane ? J’ai donc été un peu marcher dans la ville, mon unique sport, à admirer l’architecture des façades et passer de petits parcs en jardins. Est-ce ma faute si, ce faisant, mon chemin croisa quelques boîtes à livres et même un bouquiniste ? On est bien peu de chose, chacun sa croix et je rapportai trois bouquins, allez. Documentation, documentation.

#4063

Je devrais sortir plus souvent en fin de journée, afin de saisir le ciel, m’ébahir des nuages, bailler aux nuées. Curieux comme 58 ans après ma naissance, les formations nuageuses continuent à toujours me surprendre. L’immense couvercle en forme de planche de surf qui, bordée de soleil, refermait le ciel au-dessus du quartier ce soir, la dentelle rougeoyante à l’autre bout, une brume orange au fond des voies ferrées, une fumée lumineuse montant au-dessus de la caserne, un mur bleu-gris vers la gare que perçait la clarté des grues… que de spectacles aux quatre vents. Mieux vaut lever le nez un moment que de se laisser stresser par le boulot ou écraser par la fatigue.

#4062

« En attendant, une soixantaine d’années de ruine accumulait des entrepôts noircis, des murailles de brique délavée, tout un décor aux couleurs neutres et tristes : celles du vitriol, de la mauvaise terre ou du fer battu. Hautes herbes, chiendent, buddléias arrimés partout, des arbres poussés au milieu de cours, des bosquets au coin des façades. Un vent acide poursuivait le détective. Curieusement, alors que l’on s’attendrait à ce que tout soit abandonné, çà et là des grappes de maisons subsistaient encore, un pub isolé à la haute façade jaune, le fronton bas et gris d’une école. Mêmes causes, mêmes effets, l’on aurait pu se trouver dans un quelconque bourg éloigné de l’East End londonien. »
 

Il y a une quinzaine d’années, j’avais attrapé une bonne grosse grippe. Je brûlais de fièvre à petit feu toute la journée et, lorsque je rentrais chez moi, j’avais le cerveau en ébullition et notais plein de choses dans un carnet destiné à cela, placé bien en vue sur mon canapé : de cette poussée de fièvre date le premier synopsis de ce qui est devenu le roman Menace sur l’Empire, mais aussi les deux amorces de la novella que j’achève, Les Arrière-mondes.

#4061

Le ciel tardif s’habillait pour les fêtes hier soir, d’un citron vert strié de rose par-dessus les toits de la Victoire. Un peu plus tard je synesthésiais au concert de Minimum Vital, comme toujours leur belle musique d’un vert émeraude s’éclairant de percées solaires. Francis venant de me donner des Bibliothèques rose et verte, et comme je viens également d’en acheter à la brocante, je m’interroge un peu sur ces tonalités de fin de semaine.

#4060

« Rencogné à une fenêtre, casquette vissée sur le crâne et regard sur le dehors, Bodichiev dévora le spectacle. Rien vers Wembley, rien non plus vers Hayes. Le cheminot avait vu juste : au bord de la voie, comme le train approchait de Slough, se déroula une vision post industrielle. À commencer par l’usine Horlicks, bâtisse de brique austère dont la grande tour crénelée, telle une sentinelle médiévale, voisinait avec une haute cheminée noircie qui semblait figurer sa lance. Après ce compromis entre la masse industrielle et le castel écossais, le talus grimpait. Bodichiev vit passer les immeubles décrits par les deux sœurs. Jusqu’à la petite ville se dessinait un décor d’abandon et de misère. »

Novella (185 000 s.) terminée, du moins pour le premier grand passage. Détails à régler, relecteur sans pitié, éditeur… il reste à faire, bien entendu, mais le principal est là. Et le programme que je m’étais initialement fixé pour cet été est enfin achevé : un recueil et deux courts romans, hop. Petit soupir de satisfaction.