#5029

Ces jours fériés tombant un dimanche sont comme des repos dominicaux au carré, même les stands de Saint-Michel se font rares, et l’on croirait que la lumière s’y fait plus dure encore, les fûts des arbres, les arrêtes des pignons, les rails du tramway tremblant dans le bleu brutal. Pêche nulle à la brocante, heureusement il y a aussi les boîtes à lire ; dans l’une à l’arrêt du bus, sous l’épaule d’un mur, l’entasseur irrépressible trouvera huit vieux Masque, joie, bonheur, et en avant pour l’ankylose sereine d’une journée immobile, à l’orée d’une semaine qui s’annonce chaude.

#5028

L’on marcha rondement, ce matin-là, sur les hauteurs vertes qui, d’une échancrure à l’autre, dévoilaient des panoramas de la ville déjà chaude sous un ciel à peine voilé. L’air embaumait la fleur d’acacia et le chèvrefeuille. Furent croisés des poneys, des châteaux, des poules, des chèvres et des chats. Une belle pie, aussi.

#5027

Bordeaux ville de fantômes ? Devant l’un des beaux immeubles de la place de la Bourse s’érige un échafaudage le mimant en grille ; sous l’arche de la porte de Bourgogne est suspendue une grande photo de la porte de Bourgogne ; à la place du futur pont Veil s’étire une structure provisoire : que d’échos.

#5026

Que de silence sur cette page… Une petite pause hors réseaux, suivie de brèves et impromptues vacances à Rome… Quelques notes au fil des jours…

Rome du dimanche matin, le son n’est pas tant celui des cloches que le cri des mouettes, nombreuses au-dessus de la ville. L’influence de la mer toute proche est nettement perceptible, la météo plus imprévisible encore qu’à Bordeaux. J’écoute le vent et les oiseaux, avec une rumeur automobile en guise de vagues.

Tel est le principe des fictions dont Bodichiev est le protagoniste : demander autant que possible au réel de me fournir le matériau. Ainsi suis-je à Rome quelques jours avec non seulement l’envie de me changer un peu les idées, mais aussi (surtout ?) afin de profiter d’une situation assez exceptionnelle — je loge dans un palais du Vatican — pour extraire le jus d’une nouvelle. Trois tomes sont déjà prêts (le prochain arrive d’ailleurs en fin de semaine) mais je songe au suivant, que je veux être un recueil de voyages de mon détective. L’intro et une nouvelle sont déjà rédigées, une autre enquête bien entamée (mais j’aimerai bien retourner un jour à Bruxelles pour lui trouver quelques encrages dans le réel), et voici donc ces « Ponts de Rome », qui débute à Lisbonne et que je vais tâcher de poursuivre ces jours-ci. Andiamo.

Temps maussade ce matin, ça se lèvera plus tard – l’excuse idéale pour reposer mes pieds déjà fort usés par la marche intensive et me livrer à l’autre plaisir d’un tel séjour, écrire à la table de ma chambre, broder dans un carnet tout neuf une nouvelle petite histoire que vous ne lirez que dans deux ou trois ans. C’est une part de l’excitation de cette retraite romaine, pouvoir ainsi écrire sans souci ni interruption. Au-dehors retentissent les voix rauques des mouettes.

Opulente de perspectives, de bâtiments, de foules, portée sur le gigantisme des monuments, cette ville laisse pourtant aussi percer ses os, la carcasse partout apparente.

Un peu de lassitude en cet avant-dernier jour de quasi solitude romaine. Une belle promenade ce matin autour du palais Farnèse et une grosse cession d’écriture – je discerne le bout de ce petit texte, rédigé en partie dans un carnet et en partie en notes d’iPhone, la mise au propre permettra de « lisser » tout cela. Pas une fiction très ambitieuse mais un fragment de Bodichiev plaisant, j’espère.

Amusant comme en Italie sont différentes les couleurs de la littérature : ce qu’en France l’on tend de plus en plus à surnommer « la blanche » est simplement « narrativa » (et quid de la littérature qui n’est pas de récit, d’histoire a raconter, alors ?) ; mais notre « noire » est « il gialo » — du jaune de la collection populaire qui sort toujours en kiosques ; et j’ai souri au qualificatif de « narrativa rosa » des romans… à l’eau de rose, mais en France jamais une librairie n’oserait la colorer aussi frontalement. Eh oui, on ne se refait pas et j‘ai baguenaudé dans quelques librairies. Vu avec surprise que Linus sort toujours, dans une maquette absolument inchangée depuis les années soixante-dix, comme si chez nous Charlie Mensuel existait toujours. D’ailleurs, les kiosques sont emplis des fumetti de chez Bonelli, ça me fascine — Diabolik paraît toujours ! Et la revue Utopia propose encore la science-fiction.

Nouvelle plus ou moins terminée, ne reste qu’une petite scène à ajouter puis plus tard sera le temps de la mise au propre sur ordi / réécriture. Comme souvent avec mes petites « nouvelles touristiques » j’ai écouté et regardé autour de moi, capté quelques anecdotes, profité de hasards et simplement relié les points. Encore quelques fumetti et un bout de parcours, et s’achèvera mon séjour romain.

Adieu joli carnet romain : entre deux boulots ovins, j’ai mis au propre sur ordi ma nouvelle « Les Ponts de Rome », presque 40 000 signes. Bodichiev y passe des petits pavés blancs de Lisbonne aux petits pavés noirs de Rome.