#2591

En pointillé, je relis du Brautigan, j’ai depuis ma jeunesse une certaine attirance pour les Beatniks, Kerouac et Brautigan en tête. Pourtant, je me heurte toujours à une donnée historique : leur machisme et leur homophobie. En ces années 50-60 américaines, même des mecs aussi ouverts qu’eux sont culturellement dans une homophobie aussi banale, aussi courante, que l’anti-sémitisme pouvait l’être dans les décennies précédentes. C’est leur désagréable versant « petite frappe ». Au début du Général sudiste, Brautigan plaisante d’ailleurs sur un « rich queen » comme auparavant l’on aurait moqué les riches juifs, j’imagine. Enfin, malgré tout son Privé à Babylone est toujours aussi extraordinairement brillant. Burroughs je l’ai moins lu… Les Garçons sauvages m’avait sidéré sexuellement, tout jeune, quand même, et lui pour le moins n’était pas homophobe mais clairement pédé !

#2590

L’autre jour, un excellent camarade a cité un hommage à un écrivain gay venant de décéder et dont je n’avais jamais entendu parler, Mark Merlis. So, guess what? Je viens de lire Man About Town de Mark Merlis. Et je ne suis pas entièrement certain de savoir qu’en penser. Stylistiquement, c’est ordinaire, pas désagréable mais sans touche particulière. L’intrigue à proprement parler ne démarre que vers la page 160. Et tout ceci est… subtil, très en demi-teinte, un peu gris même, avec un protagoniste pas réellement sympathique, mou et hésitant, qui bosse sans états d’âme dans les milieux gouvernementaux de Washington — dont on obtient à la marge un tableau peu reluisant, fait d’incompétence et d’absence de marqueurs moraux ; je suis persuadé que ce ne serait pas mieux niveau français, bien sûr. Ce qui m’a fait continuer ma lecture, ce sont ces ruminations sur l’âge et l’identité gay, finalement au cœur de ce roman. Un peu comme lorsque j’avais lu Michael Tolliver Lives d’Armistead Maupin, la tendresse et le tonus en moins. Une lecture un peu triste, pas mal introspective et pas entièrement satisfaisante, dirai-je. Chez nous un tel roman aurait une couverture beigeasse. Souvent la littérature « blanche » me fait l’effet de grisaille, comme le ciel ce matin.

#2589

Je ne me souviens pas trop des péripéties de mes rêves fort nombreux de cette nuit, ce qui m’a fait sourire au réveil c’est leur caractère… économe, du théâtre à casting réduit : en plus de moi, juste deux ou trois personnes et un de mes chats, dans différents rôles (enfin non, le chat était juste le chat)…

#2588

En m’installant à Bordeaux il y a quelques années, j’avais plein d’envies, notamment la résolution de faire la connaissance de certaines personnes — mes « people » à moi, on va dire. Eh bien, c’est fait. Je reviens d’une journée chez un grand monsieur des lettres, un écrivain que j’admire de très longue date. Mode groupie on. Heureux je suis (et un peu ému, aussi).

#2587

Bonheur (de lecture) absolu : je termine lentement Summerlong de Peter S. Beagle, quel délice. Son seul roman depuis une bonne dizaine d’années. Une sorte de Théorème de Pasolini qui serait revu par Brautigan et imbibé de fantasy… Touchant, subtil, fort. Un vraiment grand auteur, que sa rareté et la singularité de son inspiration ont condamné à être trop peu connu, il est d’ailleurs de nos jours uniquement publié outre-Atlantique en « small press », et peu traduit en France bien sûr (en dépit des efforts fait à une époque, je me souviens qu’il avait même été invité aux Utopiales). En septembre, Charles de Lint publie (en auto-édition) son premier roman également depuis une dizaine d’années. Hâte.