#4090

À mon réveil ce matin, les vasistas se couvraient d’une cataracte et, venant en centre-ville maintenant, je découvre un Bordeaux grillé au blanc, toute la ville baignant dans un bleu laiteux qui repeint les lointains en des tons de cyan poussiéreux sous un soleil bas et aveuglant.

#4079

Sortir poster une énorme brassée de paquets avant la levée de midi et respirer l’air doux, apprécier le ciel d’un bleu lumineux au-dessus des façades blondes et longues. Après le collage architectural déréglé de la banlieue parisienne, son ciel gris et sa frénésie urbaine quasi cyberpunk, toute cette tension, j’avoue que le petit provincial que je suis retrouve avec un soupir de gratitude son environnement familier. Je suis allé me promener un peu, porté par une quiète sensation de stabilité.

#4076

Ah ah ah ! « J’ignorais encore que l’Université est à l’amour de la littérature ce que l’huile de ricin est à la soif » (Jean-Pierre Ohl). Ma foi pour ma part j’avais appris cette rude leçon à la fac de Bordeaux 3, et cette déconvenue avait mis fin à mes études, bien qu’ensuite un bref passage par la fac de lettres de Lyon m’avait montré qu’il pouvait également y avoir des établissements ne se moquant pas de leurs élèves et enseignants des œuvres susceptibles de m’intéresser (j’avais suivi un cours sur Christopher Isherwood, l’un de mes écrivains favoris). Mais à Bordeaux hélas je m’étais inscrit en « littérature comparée »… pour découvrir à la rentrée que ce département était fictif et que nous étions fourgués d’office en lettres modernes, à mouliner du Labiche et du Balzac comme des cours de latin et grec. Une escroquerie sur la marchandise qui me fâcha durablement avec la gente académique, dirai-je. Seul rayon de soleil alors, le cours d’Henri Zalamansky, qui était en vérité un atelier d’écriture : c’est à lui que je dois mes premières impulsions en la matière.

#4042

Ces derniers temps je me rends fréquemment en centre-ville le matin, et j’ouvre grands les yeux en me promenant un peu, ne voulant pas prendre Bordeaux pour argent comptant, pour quotidieneté invisible. Fragments de mon passé (le milieu des années 80), nouveaux ajouts, rénovations, placettes, perspectives, trottoirs, pavés, portes, moulures… le moindre détail recèle des surprises, des curiosités. Surgissements urbains toujours frais, piéton toujours attentif. Huit ans après mon retour d’exil, Bordeaux n’est jamais pour moi de l’inné mais de l’acquis, aux aguets.