L’une des meilleures librairies que je connaisse se situe dans une gare. Cela peut sembler étonnant car, en France, les librairies de gare sont devenues ces choses tristes et purement commerciales que sont les Relay ; presse, best-sellers et barres chocolatées. Mais celle-ci se trouve à Londres, dans la gare de St Pancras. Tout d’abord nommée Hatchards (la grande librairie indépendante de Piccadilly, plus ancienne de la capitale britannique), elle devint ensuite un Foyles (la grande librairie indépendante de Charing Cross Road), toujours aussi minuscule, sans rien perdre de son caractère et de sa qualité. Elle se situait à côté des arches de brique de l’entrée niveau métro — maintenant elle s’est agrandie et a migré à l’autre bout de la galerie, mais elle est toujours aussi recommandable. C’est sur une table de cette boutique qu’un jour j’ai remarqué un livre intitulé Weeds — un livre sur les mauvaises herbes ? Ce fut mon premier doigt dans l’engrenage du « nature writing » à l’anglaise, ce genre littéraire singulier entre l’essai, la psychogéographie et la poésie en prose — de la poésie en prise (avec le réel). Lors de mon dernier séjour, il y a quelques semaines, mon dernier achat fut encore dans cette librairie, un essai sur les parkings de supermarchés — et le libraire en caisse de me dire son enthousiasme pour cet ouvrage. Il avait raison, et j’entame un autre du même auteur sur les marais de Londres. Ce sont mes lectures de calme, de retrait, mes déambulations immobiles.
Archives de catégorie : Lectures
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Chaque fois que je lis un Modiano, et là je lis son dernier en date (Encre sympathique), cela me fait le même effet : je songes à toutes ces personnes que l’on croise dans une existence, tous ces amis d’un moment qui curieusement s’espacent et s’effacent, ces familiers qui s’éloignent, ces amitiés qui auraient pu être et ces visages qui s’estompent. Cette fille qui tenait à sortir avec moi et dont je ne sais plus que le prénom, Agnès. Ce garçon que j’ai tant aimé pour seulement une poignée de mois, car il ne faisait que passer, Werner. Cette copine de l’époque de la fac, peintre en lettres, Françoise. Tant et tant de monde. C’est encore plus mystérieux que les gens que l’on croise dans la rue et que parfois l’on admire, sur lesquels il m’arrive de m’interroger : ceux que l’on connait et que l’on fréquente un peu dans la vie — et puis qui filent sans nous.
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« Oh j’adore Untel », dit le lecteur, mais l’untel change au fil du temps, le goût littéraire se forme par accrétions, découvertes, oublis, retours, souvenirs… Étant jeune sans doute aurai-je dit que mes auteurs favoris étaient Tolkien (lu le Seigneur des Anneaux sept fois étant môme, mais je n’y arrive plus), Simak, Sturgeon, Leiber, Moorcock… Puis j’aurai certainement cité Brunner et Jeury, mais aussi Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay, Élisabeth Vonarburg, Cordwainer Smith, Michael Coney et Ross MacDonald… De tous temps, Franquin, Tillieux, Greg, Bottaro, Georges Chaulet (les Fantômette), Rex Stout (les Nero Wolfe) et Agatha Christie… Roland C. Wagner et Michel Pagel, bien sûr… Puis plus récemment, ce furent Charles de Lint et Neil Gaiman (mon goût pour la fantasy urbaine), Dorothy Sayers, Margery Allingham et Nicholas Blake (mon goût pour le polar golden age)… Aujourd’hui, qui citer comme ces piliers auxquels revenir sans cesse ? Isherwood, Flaubert, Giono, Simenon, Modiano, Murakami, mais aussi Christopher Priest, Tove Jansson, David Lodge, Armistead Maupin, China Miéville, Christopher Fowler (les Bryant & May)… Et des phares, ces livres monuments, le Guépard de Lampedusa, Cent ans de solitude de Marquez, Gagner la guerre de Jaworski, Transit de Pelot, le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, Le Seuil du jardin d’André Hardellet ou Encore heureux qu’on va vers l’été de Christiane Rochefort…