#2464

Notes éparses.

Curieux rêve ce matin, ma chatte Jabule n’avait pas sa fourrure tigrée mais l’espèce de pelage en plume d’un kiwi, vert-maronnasse.

Lassitude, trop de fatigue accumulée depuis novembre dernier et ça ne cesse jamais, quant aux mauvaises nouvelles et autres tristesses elles ne cessent pas non plus d’arriver ces dernières semaines. Je me doutais bien que cette année ne serait pas aisée à gérer en termes de charge de boulot, cela se confirme. Plus que la fatigue elle-même, ce qui m’énerve ce sont mes oublis et erreurs.

Ce matin je suis descendu à la Poste et du coup, plutôt que retourner tout de suite bosser, en dépit de la bruine j’ai été un peu me promener — à pied et en bus. Acheté chez Mollat le petit bouquin sur Maurice Rosy, lu d’une traite en rentrant. Joli portrait d’une vie d’artiste.

J’ai compté : de la gare à la place de la Victoire, il y a 18 salons de coiffure, sur le cours de la Marne. Dans le bus, deux bonnes femmes parlaient haut et fort, une autre leur demanda de baisser le ton, j’entendis tout de même la grosse exprimer, une fois passée la Victoire, son soulagement de « regagner la civilisation ». Eh bien, alors il faut croire que les « non civilisés » prennent un soin très particulier de leur chevelure, tandis que du côté des civilisés (cours Aristide Briant) je ne vis qu’un seul salon de coiffure, et encore je crois qu’il était fermé.

#2463

« Une bonne histoire de science-fiction doit pouvoir prédire l’embouteillage et non l’automobile. » (Frederik Pohl) C’est exactement ce qui ne va pas dans les manuscrits d’ « anticipation » que je reçois en général, une naïveté, un aspect primaire qui les rend sans intérêt, sans force narrative ni spéculative.

#2462

Je ne fus pas raisonnable. Pourtant j’ai un boulot monstre. Sorti pour chercher une boulangerie meilleure et moins chère que celle pas loin de chez moi, je me suis retrouvé à me laisser entraîner par les rues, jusqu’à arriver à l’abbatiale Sainte-Croix. Oh, hum, de là il n’y avait donc guère de chemin pour aller à la basilique Saint-Michel, n’est-ce pas? Et non, pas pour me rendre à la messe mais pour répondre à l’appel tentateur du marché aux puces qui, chaque dimanche, s’étale sur les quais…

Alors là, fatalement, non seulement j’ai croisé un PM jovial quoique encore perplexifié par l’affaire des netsuke en série ; mais encore j’ai trouvé des livres, ça alors. Deux beaux albums jeunesse parus chez Garnier en 1978, où un certain Lennart Rudström conte en un mélange de fiction et de biographie le quotidien du grand peintre Carl Larsson.

Longtemps en France, les expositions et les musées étaient strictement franco-français, ça change heureusement. Je n’avais donc fait la connaissance de Carl Larsson que grâce à un petit livre chez Taschenn, avant d’en voir quelques tableaux à Venise et à Londres. J’espère bien aller visiter à Paris, le mois prochain, l’expo qui lui est enfin consacrée.

Mon autre trouvaille fut une très belle reliure cartonnée des récits et du théâtre d’Albert Camus, parue en 1958 à la NRF. Depuis le temps qu’il faut que je lise Camus, tout de même — outre sa réputation, il y a le tropisme du Rêve de Gloire de RCW et mon amitié pour son petit-fils, David Camus. Et puis ce qui m’a particulièrement attiré, avouons-le, ce sont les nombreuses aquarelles qui l’illustrent. Dans le goût de l’époque, celui des couvertures peintes du Livre de Poche que j’aime tant. Des illustrateurs inspirés, d’autres moins, et puis tout de même trois aquarelles d’André Masson et trois autres d’un favori des savanturiers, Tibor Csernus. En attendant le bus pour rentrer, j’ai commencé à lire et que c’est beau, Camus parlant de villes et de voyages, superbe.

#2461

Alors stagiaire à la librairie de Francis Valéry, je descendais vers les quais pour aller faire quelques photocopies chez le reprographe — celui-là même chez qui je n’allais pas tarder à créer mon propre fanzine, Yellow Submarine. Mais passant devant la gare, j’eus l’impression que des flots de musique verte en sortaient. Oui, verte. J’entrais, il s’agissait d’un concert gratuit de Minimum Vital, groupe bordelais de prog. Depuis, trente années se sont écoulées et j’ai continué par intermittences à suivre ces flots verts et bondissants, mêlant Renaissance, Orient, une pointe de cuivre et un chouïa de Magma. Hier soir, Minimum Vital en trio donnait un concert non loin de chez moi, dans le cadre superbe d’une chapelle. Juste au bord d’un fragment de campagne avec fermes, ruisseau, prairies et zoiseaux, que le tram ne va pas tarder à rejoindre. Ce fut bel et bon.

#2460

Les deux premiers jours, Carmilla, la chatte noire, a résolument refusé de mettre une seule patte dehors. Elle avait déjà considéré avec un mélange de crainte et de méfiance l’escalier, lors de notre installation, et maintenant c’était au tour de ce terrible extérieur de lui inspirer une têtue réticence. La plus jeune, Mandou, fonça aussitôt dehors, trouva le moyen un soir de se glisser sur le toit, protesta lorsque nous finîmes d’installer la palissade de bambou — l’empêchant par conséquent de bondir sur le muret de la voisine pour aller explorer le jardin voisin — bref manifesta le plus grand enthousiasme pour cette nouvelle extension du domaine de ses expériences sensibles et de son espace de vie. Calmement, la grosse mémère grise, Jabule, explora avec circonspection puis adopta sans restriction.

Ce matin je n’avais encore qu’entrouverte la porte de la cuisine, vu la fraîcheur. Mandou, sortie par la porte du salon, considéra cette porte entrebâillée, se leva sur ses pattes arrières et, s’appuyant des pattes avant sur le battant, ouvrit en grand la porte offensante, avant de s’éloigner sur la terrasse. Quant à Carmilla, elle campe maintenant dans le jardin, au beau milieu du bouquet de myosotis, tache d’ombre percée seulement de deux lueurs jaunes clignant de satisfaction. Hier soir j’ai du aller la chercher afin de pouvoir fermer pour la nuit, et elle exprima son mécontentement d’une voix grêle.