#2526

Une chose d’autrefois que je trouve fascinante, et c’est valable pour la plupart des villes, ce sont les anciens tracés des tramways. On installe maintenant de nouveaux tramways, sur de nouvelles voies, et ce sont des véhicules colossaux, de véritables trains, mais m’amusent et m’intriguent ces petits trams et trolleys d’antan, qui circulaient partout. Les villes étaient couturées de voies ferrées… Je lisais par exemple à l’instant à propos du marché des Capucins, à Bordeaux, que « le tramway, plus précisément le trolley, traversait la halle en son milieu ; à gauche, les légumes, à droite la viande et la volaille. » et je trouve cette image saisissante. J’ai connu l’ancienne halle, celle affreuse, étroite et grise chose usée bâtie dans les années 60 à la place de la splendide et haute halle précédente, j’ai vu une photo de cette dernière, et quelle connerie que de l’avoir abattue — et d’avoir reconstruit depuis une autre halle toute aussi moche et grise que celle des années 60. Chaque fois que je vois quelque part une évocation des anciens tramways, j’ai l’impression que l’on m’évoque une sorte de réalité parallèle des villes, une uchronie urbaine, vaguement steampunk — le trampunk, tiens, voilà un genre qui me plairait.

#2525

Ce week-end, j’ai encore rangé ma bibliothèque, ayant constaté qu’il y avait par endroits des erreurs d’ordre alphabétique assez criantes. Et je suis retombé sur ces deux petits volumes, ravissants je trouve, c’est d’ailleurs parce que je les trouvais si jolis que sur un coup de tête je les avais un jour achetés à la regrettée librairie Fantasy Centre, dans le nord de Londres (édition des années 30 mais en fait l’un est une réimp de 1941, l’autre de 1948). Du coup, j’ai relu trois nouvelles de Saki, délice gourmand s’il en est, c’est drôle et piquant, formidable.

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#2523

Ah, les bilans ! Faiblesse humaine, la fin d’une période calendaire arbitrairement fixée par notre civilisation approchant à grands pas — humides, les pas, certainement, vu le temps — comme tout un chacun je me sens porté par la tentation du petit bilan annuel. Le réseau social FB propose d’ailleurs de façon apparemment automatique un tel bilan, constitué d’extraits des billets que l’on peut avoir posté durant l’année. Je n’ai pas encore consulté le mien, préférant faire marcher un petit peu mes méninges en cette fin de journée de Noël mollement languissante et résolument solitaire. Je ne suis même pas sorti, aujourd’hui, du moins pas ailleurs que sur la terrasse, pour quelques pas — humides, donc, suivez un peu — sur la pierre froide, sous un ciel gris, faisant même une sorte de sautillement de marelle afin de m’approcher de mon carré d’herbe à moi que j’ai sans trop mouiller mes charentaises. C’est l’avantage d’avoir sa propre parcelle d’extérieur, ça : juste lever le nez vers les nuages, humer un peu l’odeur de fumée du dehors, frisonner au froid hivernal, constater que les pensées ont refleuri, et hop, retourner aussitôt à l’intérieur, à l’abri, au chaud. Refaire du thé, tiens.

Ah oui, au fait, et ce bilan ? Bah, voyons voir, que dire ? Le principal est déjà posé par cette évocation jardinière : le déménagement à Bordeaux. Eh oui, depuis le 26 janvier dernier, il y a déjà 11 mois, j’ai quitté les rudes canyons lyonnais pour les calmes horizons bordelais. Le mâchefer et le crépis pour la pierre blonde. Je n’en reviens toujours pas vraiment, de bénéficier de cette maison, vaste pour moi, de cette bibliothèque, si chère à mes yeux, de ce jardin, même s’il n’est pas bien grand. Non plus que je ne reviens du bonheur ressenti chaque fois que je sors, ne serait-ce que pour descendre acheter du pain, « Je suis à Bordeaux, je suis à Bordeaux » répète émerveillé et incessant mon fort intérieur, toujours jubilant d’un tel environnement. Et puis les réunions avec les copains, les visites d’amis, la brocante du dimanche matin, quelques passages dans les pubs, l’autre soir un concert du groupe de Laurent Queyssi — presque une vie sociale, oh, c’est dingue.

Sinon, qu’ai-je publié cette année, en tant qu’auteur ? Ce qui risque fort d’être ma dernière collaboration avec Fabrice Colin, la collection s’étant arrêtée : L’île des chevaux merveilleux. Couv archi kitsch, mais j’aime bien le projet, un album jeunesse de très grand format, plein de « pop-ups » rigolos. La reprise retravaillée de l’essai sur Jack l’Éventreur que j’avais écrit avec Julien Bétan. Et le troisième Dico féerique, vieux projet, j’ai terriblement lambiné. Un quatrième volume aussi, mais avec plein d’autres auteurs, Tim Rey en particulier a bien du en écrire la moitié, intarissable qu’il est.

Niveau « pro », eh bien si moi je suis dans mon 11e mois bordelais, ma maison d’édition est elle dans sa 11e année. Et j’ai embauché un assistant éditorial, ouiiii, enfin. Je n’en pouvais plus, de tout faire presque seul, s’il faut faire un bilan c’est celui d’une grosse fatigue, d’un boulot presque trop intense — le milieu de cette année fut difficile, tendu, épuisant, j’avais trop à faire. Cette fin d’année fut donc celle de l’apprentissage d’un autre rythme, d’une collaboration, et c’est tellement agréable. Bilan, bilan ? Globalement positif, bien entendu, que dis-je : merveilleusement positif, pour des changements de vie absolument majeurs. Une sacrée charnière, cette année 2014. Et en route vers de nouvelles aventures.

#2522

Dans la lignée de mes lectures de Lev Grossman, me suis souvenu que j’avais dans l’ordi un documentaire sur C. S. Lewis que je n’avais jamais regardé. Bien chouette, et quelle classe : présenté par A. N. Wilson, le grand historien/critique littéraire et biographe de Lewis, les docu anglais ne sont jamais présentés par un analphabète d’animateur télé quelconque mais toujours par the real thing, un véritable spécialiste. Sinon, lu un court Graham Joyce de toute beauté, The Ghost in the Electric Blue Suit (mais j’ai découvert que je l’avais en double, ayant aussi acheté, oups, la version anglaise qui s’intitule The Year of the Ladybird) et je fini de lire l’étrange roman anglais offert par le professeur X, Let’s Kill Uncle de Rohan O’Grady, une comédie datant de 1963, à la fois drôle et triste, touchante et cruelle, tout à la fois cosy et dérangeante, très inventive — étonnante. Sinon, orgie de musique outrageusement seventies : Eela Craig, Nektar, Deodato, Hancock, Go, Santana…

SpirouNoel