#2538

Ayant éteint la musique je remarque un murmure, un froissement, c’est la pluie et j’avoue bien aimer l’entendre, le soir, chanter doucement au dehors. Comme une présence pour accompagner la lecture nocturne. Je tend l’oreille, un train passe aussi, sourd grondement, mais l’averse domine, pianotant le verre des vasistas, là-haut, léger, léger.

#2537

Choc et tristesse. Dans une existence antérieure, celle où j’étais vendeur en librairie, j’avais un client de 2 mètres de haut absolument adorable, un grand monsieur dans tous les sens du terme. Je suis devenu ami avec son fils Jérôme, qui demeure l’un de mes proches, sans perdre le père de vue — quand j’habitais Lyon j’avais pour coutume de me rendre chez lui une fois par été, à la campagne du côté de Bourgoin-Jallieu, pour aller me baigner dans sa piscine et pour fouiner dans son extraordinaire collection. Car c’était un collectionneur de presse ancienne, il avait empli son garage et son bureau de tonnes de vieux journaux, ça me fascinait, et j’ai « pillé » plus d’une fois cette prodigieuse manne culturelle pour des volumes de la Bibliothèque rouge. Mine de rien, il avait plus de 80 ans la dernière fois que je l’ai vu, et je savais en quittant Lyon que je ne le verrais plus. N’empêche, aujourd’hui son fils m’annonce qu’il est mort samedi et j’ai beaucoup de peine, je l’aimais vraiment bien, monsieur Gilbert Maurice.

#2536

Cela fait trente ans que je lis et que je relis le récit de leurs existences, au point de les connaître comme s’il s’agissait d’amis, des amis que j’ai rencontré puisque je connais même leur visage (par la belle série qui en fut adaptée) et que je suis allé chez eux (mon voyage à San Francisco il y a si longtemps). Hier soir j’ai fini le neuvième et dernier tome des Tales of the City d’Armistead Maupin, et je m’en suis senti un peu triste. La formidable Anna Madrigal, l’adorable Michael « Mouse » Tolliver, l’irritante Mary Ann Singleton, et tous les autres, si nombreux, si familiers. Incroyable, formidable série littéraire que celle-là (les Chroniques de San Francisco en VF), à laquelle je ne suis pas près de cesser de revenir. Effet de réel… total. Ils me parlent absolument, ils appartiennent à ma propre histoire.

Et puis comme je suis une fois de plus en manque de San Francisco, une forme de nostalgie qui me prend de temps en temps depuis ce lointain voyage, et alors qu’en réalité je doute de trouver jamais l’occasion d’y retourner, je « lis San Francisco » : avant les deux derniers Maupin, j’avais relu Notre-Dame des Ténèbres de Fritz Leiber (Our Lady of Darkness), vraiment l’un des plus beaux romans que je connaisse, à la fois bavard, tendu, lent, erratique, imagé, à la fois sombre et lumineux… Et je continue avec un Michael Chabon récent, Telegraph Avenue

#2535

Un objet de nostalgie. Retrouvé ce catalogue, conservé parce que couv de Chaland, tout d’même. Captivant dudit & Cornillon s’y trouvait listé, les Humanos avaient réédité Jason Muller d’Auclair, L’Art moderne de Joost Swarte sortait tout juste, au rayon SF les Grimaud venaient de publier Malakansâr chez PdF, en même temps que La Guerre olympique de Pelot et Sur les ailes du chant de Thomas Dish, bon sang quelle collection c’était. Albin-Michel publiait Les Fontaines de Paradis de Clarke et Michel Jeury continuait chez Laffont avec Les Yeux géants… Soudain je me sens vieux.

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#2534

Mandou rentrant d’une petite escapade nocturne sur les toits, hier, avait le pelage qui sentait cela : la fumée, le bois brûlé. Me promenant dans les rues du quartier Saint Seurin en début d’après-midi, c’est encore cette odeur que je perçus, celle d’une ville hérissée de cheminées. Un Bordeaux en vieille dame au parfum hivernal de feu de bois, avec juste une touche d’astringence crayeuse dans ses rides de pierre et, parfois, dans une ruelle, peut-être un soupçon de pipi de chat.