#2310

C’est avec une tristesse certaine que j’apprends la disparition de Georges Chaulet, le père de Fantômette. Ce grand auteur populaire est décédé le 13 octobre à l’âge de 81 ans, vient d’annoncer son éditeur, Hachette. Georges Chaulet avait créé Fantômette en 1961. Je suis justement en train de commencer à bosser un peu sur un Bibliothèque rouge consacré aux « jeunes détectives » (volume placé sous la direction de mon copain Vivian Amalric), et Richard Comballot envisageait d’interviewer monsieur Chaulet — hélas trop tard. J’ai relu plusieurs « Club des Cinq » déjà et dois aussi relire les « Fantômette », bien sûr. J’avais un peu correspondu avec Georges Chaulet il y a deux ans, quand l’auteur m’avait gentiment fait part de son appréciation du Dico des héros. Fantômette pour moi, c’est un gros morceau d’enfance: j’ai lu et relu tout ce cycle, qui me faisait beaucoup rire, dont j’avais adopté des tas d’expressions (car Chaulet était formidablement créatif, d’ailleurs ses intrigues n’étaient pas du tout répétitives), et je trouvais même que le coiffeur près de chez moi, à Angers, ressemblait d’alarmante manière au Furet… Plus tard, j’ai reconstitué ma collection au fil des Braderies de Lille, à l’amusement de mes petits camarades (je ramassais aussi les Mickey Parade, alors ils avaient nombre d’occasion de me taquiner).

#2305

Fils d’architecte, ancien directeur de vélodrome, homme de presse, Tristan Bernard (1866-1947) est surtout un inclassable touche-à-tout, il va se faire connaître en particulier par ses mots d’esprit et par ses pièces de théâtre, légères et amusantes. Écrire pour le théâtre est toujours très bien vu, en ce début du nouveau siècle, fut-ce pour le boulevard, mais la bonne société fronce du nez devant d’autres types d’écriture, ce que l’on nommera plus tard « littérature populaire » ou « littérature de genre » avec un mépris qui n’ira guère en diminuant. Et cet esprit curieux qu’est Tristan Bernard n’a pas été sans remarquer l’avènement de fictions d’une inspiration nouvelle, outre-Manche, dans la foulée du célèbre détective de Conan Doyle. Ainsi, dès 1905 notre auteur livre un recueil de nouvelles policières, Amants et voleurs. Certains de ses confères, « qui sont des esprits d’habitude, et qui, une fois leur choix établi, tiennent à estimer, à admirer un écrivain pour des raisons immuables » lui reprochent aussitôt d’ainsi faire preuve de si peu de goût. « Comment ? Voilà qu’il ‘fait’ maintenant des romans judiciaires ? Voilà qu’il nous raconte des histoires de cadavres enterrés, d’épaules marquées au poignard, de passages souterrains, de déguisements… Mais est-ce que c’est la vie ? » (préface de René Blum) Mais qu’importe ces forts esprits : Tristan Bernard récidive sans vergogne, avec L’Affaire Larcier (1907) et Secrets d’État (1908). Tristan Bernard continue à s’intéresser au « judiciaire » et livre courant 1911, en feuilleton dans Le Journal, le récit d’une affaire policière fort mouvementée, qu’il camoufle curieusement sous le titre sans doute ironique de Mathilde et ses mitaines. Le roman sera réédité l’année suivante chez Albin-Michel.

Dans le Paris des apaches et des concierges, des vieux fiacres moisis et des taxi-autos, dans les ruelles et dans les cours, la rusée Mathilde et le naïf Firmin, secondés de l’inspecteur Gourgeot qui y risquera sa vie, vont mener une enquête. Tombant d’abord sur le cadavre d’une femme blonde, enterré dans la cave d’un ancien magasin de tôles, puis sur un complot qui semble lier un notable de province, à moins qu’il ne s’agisse de son frère ; un comte assez réputé dans les milieux de la finance ; et une femme trop grande. Qu’a-t-on imprimé en cachette ? Où se trouve l’autre repaire des bandits, et pourquoi ne quittent-ils pas Paris maintenant qu’ils se savent découverts ?

Plaisant et bien mené, ce petit polar oublié brosse avec malice des portraits de son époque, traîne dans les rues et se glisse dans des cours d’usine, lance quelques piques aux puissants de la politique… Tristan Bernard ne reviendra hélas pas à l’étonnante carrière du couple Gourgeot mais, en 1919, donnera encore un roman policier : Le Taxi fantôme. Des feuilles désuètes fleurant bon le roman populaire à énigme, dans toute sa fougue.

#2304

Vendredi 19 octobre, à Lyon, rencontre avec André-François Ruaud autour d’Hercule Poirot, à partir de 18h, librairie L’Esprit Livre, angle rue du Dauphiné, 3e arrdt. Viendez les gens ! Hercule Poirot, une vie, une énAUrme biographie du détective co-écrite avec le professeur Xavier Mauméjean, paraît là maintenant tout d’suite.

#2276

Pas si facile, de passer d’un article à l’autre. Chaque fois j’ai un petit moment de latence, le temps de regrouper mes idées et… eh bien, c’est comme prendre une respiration avant un nouveau plongeon, en fait. Ayant fini le très gros papier sur le Londres victorien, je me suis donc changé les idées en bouclant le prochain catalogue des Moutons électriques (travail beaucoup plus important que je ne le pensais), et puis j’ai ajouté directement dans la maquette du Londres un encart sur Phyliis Pearsall, la dame qui créa le A-Z, les cartes de la métropole.

Mais cette fois c’est bon, j’ai démarré le chapitre suivant de Londres, une physionomie: celui sur le canal du Régent. Pourquoi le canal du Régent? Eh bien, parce que c’est l’un de mes endroits favoris, ce qui me semble reason enough. Histoire de prendre l’occasion d’évoquer les cours d’eau de Londres, les moineaux, les hérons et les foulques, les péniches basses et étroites, Erasmus Darwin (eh oui), Claude Monet, une brève citation d’Anthony Trollope, les polars de Joan Lock la bien nommée, Badger on the Barge de Janni Howker, Two Fair Plaits de Malcolm Saville, la communauté artistique de St John’s Wood, Alma-Tadema, un Margery Allingham situé à Little Venice, un passage du Night Watch de Sarah Waters, peut-être l’entrepôt de glace, sans doute les polars actuels de Paul Charles… Toute une tranche un peu transversale de Londres…

(photo par Isabelle Ballester, mai 2010)

#2274

Ces derniers jours ont été fort bousculés, occupé que je fus par plusieurs bouclages d’ouvrages — ce qui est toujours un moment un peu stressant et très absorbant. C’est donc chose faite, trois livres de la rentrée des Moutons électriques sont chez les imprimeurs. Et puis j’ai relu et corrigé le très brillant et réjouissant Apocalypses! d’Alex Nikolavitch, ce qui fait qu’en dehors d’une poignée de petits articles à relire, je suis de nouveau quasiment à jour. Je devrais donc me remettre à écrire — ces derniers jours, je ne le fis que pour ainsi dire à la sauvette, le matin et le soir, pour un petit papier pour le bulletin Remparts ou pour continuer un roman.

Mais durant ce temps, j’ai encore un peu avancé mes cogitations sur le Bibliothèque rouge de Londres. Il me faut finir d’écrire le gros chapitre sur l’ère victorienne, et j’avais encore à faire ceux sur le Blitz et sur le swinging London, les années 1960. Mais ma foi, à force de lire, de relire, et de regarder des documentaires, aussi, m’est venue l’envie de brosser un petit article sur le canal du Régent. Et un autre pas spécialement petit sur les Fifties, histoire que le portrait historique soit bien complet. La science avance!