#4076

Ah ah ah ! « J’ignorais encore que l’Université est à l’amour de la littérature ce que l’huile de ricin est à la soif » (Jean-Pierre Ohl). Ma foi pour ma part j’avais appris cette rude leçon à la fac de Bordeaux 3, et cette déconvenue avait mis fin à mes études, bien qu’ensuite un bref passage par la fac de lettres de Lyon m’avait montré qu’il pouvait également y avoir des établissements ne se moquant pas de leurs élèves et enseignants des œuvres susceptibles de m’intéresser (j’avais suivi un cours sur Christopher Isherwood, l’un de mes écrivains favoris). Mais à Bordeaux hélas je m’étais inscrit en « littérature comparée »… pour découvrir à la rentrée que ce département était fictif et que nous étions fourgués d’office en lettres modernes, à mouliner du Labiche et du Balzac comme des cours de latin et grec. Une escroquerie sur la marchandise qui me fâcha durablement avec la gente académique, dirai-je. Seul rayon de soleil alors, le cours d’Henri Zalamansky, qui était en vérité un atelier d’écriture : c’est à lui que je dois mes premières impulsions en la matière.

#4042

Ces derniers temps je me rends fréquemment en centre-ville le matin, et j’ouvre grands les yeux en me promenant un peu, ne voulant pas prendre Bordeaux pour argent comptant, pour quotidieneté invisible. Fragments de mon passé (le milieu des années 80), nouveaux ajouts, rénovations, placettes, perspectives, trottoirs, pavés, portes, moulures… le moindre détail recèle des surprises, des curiosités. Surgissements urbains toujours frais, piéton toujours attentif. Huit ans après mon retour d’exil, Bordeaux n’est jamais pour moi de l’inné mais de l’acquis, aux aguets.

#3091

Brève excursion matinale afin d’être fidèle à un engagement : aller voir la petite place dédiée à l’écrivain Michel Suffran. Avant une semaine de pluie annoncée. Au Jardin public, les canards somnolent au bord de l’eau et les grands arbres marmonnent au bord du ciel. Les travaux estivaux forcent l’autobus du retour à se tortiller de rue en rue, hors de son circuit ordinaire.

#3090

Monsieur le maire, pourquoi il y a-t-il si peu de bancs dans notre belle ville ? Longue promenade : faute de pouvoir travailler, la marche calme mon organisme et réjouit ma tête, le plaisir un rien surpris d’être un citoyen bordelais ne s’estompant guère après huit années de retour d’exil. Ruelles et détails quotidiens, fleurs de trottoir, jeune femme assise sur sa fenêtre en rez-de-chaussée lisant un gros bouquin, deux gamins juchés sur le toit d’une sanisette sous les arbres, une grosse dame aux tresses blondes tirant ses volets blancs, des toboggans abandonnés, la marche chaloupée des pigeons, les piafs dans les noyers, un reggae dans une courette près d’un établi… sous un ciel poudreux.