#2341

Hier soir, essayant de trouver le sommeil entre deux grondements d’averse sur le vasistas, je me surpris une fois de plus à m’étonner du grand silence bordelais. Et puis je me suis demandé : comment font les oiseaux, pendant une telle tempête ? Des vents à 98 km/h, une pluie diluvienne, où se trouve le rouge-gorge qui s’est installé dans le quartier depuis quelques mois, comment se protège-t-il ? Et les trois jeunes pies, et le couple de faucons, où vont-ils ?

#2340

Je viens de lire le cinquième Mark Hodder, The Return of the Discontinued Man, et ça m’a fait réfléchir. Étonnant comment cette série steampunk fonctionne, en déconstruisant et reconstruisant à chaque volume toute sa propre réalité, encore et encore. Mais ce n’est pas cela qui m’a fait réfléchir : je me suis dit que somme toute, j’habite le futur.

J’habite le futur et je ne suis pas certain d’aimer cela. En ce sens que bien souvent, je me sens trop en décalage avec la réalité. Nostalgique ? Non, pas réellement, mais… tout simplement vieux, peut-être ? Ce que je constate, c’est que je me souviens parfaitement d’une époque où je trouvais que la vie à Lyon était tranquille, calme, tout le charme conjugué d’une grande ville et de la province. Quand est-ce que Lyon est devenu cette métropole surpeuplée, surpolluée, couverte de bâtiments neufs en rangs serrés, à quel moment a-t-elle basculée dans un environnement qui ne me plaisait plus, au point que j’ai ressenti le besoin de m’en enfuir ? Bordeaux vous le savez m’enchante, et notamment par son calme. Mais ce qui m’inquiète, c’est que je crains d’aimer Londres de moins en moins : je suis gêné par l’envahissement visible du gros fric, transformant la ville que j’aime en réserve pour riches, ne remplaçant pas les ultra pauvres par de la middle class comme le voudrait une évolution urbaine normale mais bien par des über riches (et idem à San Francisco ai-je appris). Cette société qui se construit, là, maintenant, ne me plaît pas, en fait. Trop de violences, trop de pollutions, trop d’inégalités, trop de religions, trop de solitudes… Plus j’avance dans le temps et moins je reconnais de choses que j’aime, ai-je souvent l’impression. Ou alors, j’y reconnais les pires avenirs de la science-fiction, ce qui n’est guère pour me réjouir. Eh le monde, on avait dit que la SF n’a pas pour fonction de prédire le futur mais seulement de commenter le présent, arrêtez, là, c’est pas drôle.

J’ai besoin de vacances, je crois. Non, vraiment : un an et demi sans vacances, c’est trop. I’m feeling cranky, et pourtant va bien falloir continuer car no money and no time, pas de congés en vue. C’était la « minute grognon ». 🙂

#2339

Je reviens juste de la Poste. Au-dessus du boulevard le ciel amoncelait des nuages chargés en anthracite et autres matériaux volatiles, comme ne tardèrent pas à le prouver de grands fracas et des éclairs blancs. Pressant le pas, je remontai vite la rue menant vers chez moi, quand soudain, un grand souffle grondant se leva et un vent glacé commença à me gifler. Devant moi, une nuée blafarde sembla se soulever du sol, je traversai un tourbillon de grêle, suivi de l’autre côté de la placette par le fouet d’une averse dense et brutale, qui me bouscula jusqu’à ma porte.

Je suis rentré un tantinet trempé.

#2335

Sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, un beau texte touchant, qui rejoint des choses auxquelles je pensais il y a peu. Ce que je me disais, c’est que dans ma tête certaines personnes n’ont jamais changé d’âge, intouchées par les années dans le souvenir que j’ai d’elles : par exemple mon premier amant, qui pour moi aura toujours 17 ans. L’idée même de me dire qu’ayant mon âge, il est maintenant un presque-vieux, peut-être gros et chauve, que si je le croisais je ne le reconnaitrais même pas, j’essaye de ne me même pas y songer…

Et j’ai aussi eu une pensée pour « mes profs », parce que 40 ans après, que sont-ils devenus, sont-ils seulement encore de ce monde ? Le sévère mais juste monsieur Baudoin et la fofolle et minuscule prof de lettres et histoire (madame Giraudroux) qui devint ensuite son épouse, je crois. Ceux-là sont liés à la fin de mon collège, aux voyages à Rome, à Florence, à Naples et à Pompéi, inoubliables et fondamentales occasions de ma propre construction, ont-ils jamais su combien ç’avait été important, ces quelques jours à Pâques sous le soleil italien ? Et dois-je avouer que j’ai oublié les noms de ces deux profs de lettres qui pourtant m’apportèrent tant, celui à Limoges qui me fit aimer Giono et avant cela celui qui à Cergy, crucial, si bien inspiré, me fit découvrir la spéculative fiction — en me désignant un jour, au centre culturel, les romans de Brunner, Jeury, Douay, Spinrad, SIlverberg… qui lui semblaient importants? Si perspicace, ce prof-là, d’ailleurs, qu’avec sa femme il anima plus tard un atelier sur l’homosexualité — mais hélas j’étais déjà parti en exil à Limoges, je ne profitai pas de leur aide, je me construisis seul, bien obligé.

#2329

Demain, ce sera officiellement l’hiver. Vendredi, ce sera indubitablement Noël. Et pourtant seule la grisaille des matins et l’obscurité des soirs en attestent, tout le reste conspire à une douceur automnale qui persiste dans l’air d’un bleu tremblant, dans la brume légère, dans la pluie hésitante et les reflets dorés sur les façades. Le sommeil me fuit, je lis plus encore, rumine des interrogations et me promène longuement. Le bout d’an approche et je n’ai même pas de résolutions pour la suite.