#2982

La fin de traîne de la tempête me priva ce matin de ma coutumière promenade urbaine du samedi, cette si précieuse respiration avec un camarade, et je sortis donc à peine, le temps juste de me rendre à la librairie voisine acheter le nouveau petit Julien Gracq, avant que vents et pluies ne sévissent de nouveau. Et hélas le couvre-feu me coupe des balades faites à la brune. Lisant ce soir le premier Visa Transit de Nicolas de Crécy, je me remémore mes impressions d’une unique nuit sous la tente, que je fis au septembre du quinzième anniversaire des Moutons électriques, cette attentive et frileuse exposition au monde – l’inverse de ce qui nous est encore permis maintenant, en cette époque d’injonctions carcérales.

#2973

Oh ce froid. On a assez peu l’habitude des frimas, ici, étant donné la coutumière douceur bordelaise. Je devais me rendre aux Capu ce matin pour voir mon fils, il passera plus tard finalement et je ne peux prétendre être mécontent de ne point sortir par cette température. Un thé bien chaud et un roman, restons cosy. Et sans doute écrire un peu. Ledit fils me disait hier qu’il trouve que je blog beaucoup moins — c’est bien possible, amateur comme je le suis des descriptions, notamment (exercices de style que j’incorpore souvent dans mes fictions), j’ai eu tellement moins d’occasion de sortir en cette année défunte, et absolument aucun voyage, donc en vérité si peu à raconter…

#2970

Un long moment, je suis resté le nez en l’air, à regarder les tours jumelles du Sacré Cœur se hausser au-dessus des toits. Dans la lumière dorée de ce jour d’hiver, les deux torsades de pierre me frappèrent par leur réalité. A force de ne plus sortir, j’en oublierai déjà presque la beauté urbaine, le simple plaisir d’une architecture sous le ciel translucide. Des passants approchant j’ai mis mon masque et, pour me donner une contenance, suis allé m’asseoir sur un banc. Pas longtemps, juste pour un autre et bref moment de réel. Je m’étais donné pour défi de rejoindre le supermarché des quais en n’empruntant que des petites artères, afin de croiser un minimum de monde. Voilà la vie en temps de pandémie : rechercher cette solitude pourtant si aliénante, filer son chemin en étranger, juste le cœur allégé d’un peu de marche.