Je tiens à ce rituel, celui d’une promenade dans les rues de Chinon, la petite ville tourangelle qui fut celle de mes grands-parents paternels. Une sorte de pèlerinage en somme, à humer cette poésie citadine ancienne en un maigre jour d’hiver. Les souvenirs des commerces d’antan accompagnent nos pas comme une ville fantôme, ici se trouvait la boutique d’opticien de mon grand-père, là un marchand de tonneaux, ici la boucherie chevaline porte encore son enseigne, là un coiffeur à la célèbre excentricité, la boutique en entresol de la libraire madame Robin, le pressing, un marchand de légumes, une marchande d’instruments de musique… Une sorte d’âge d’or que nous retraçons, dans des rues pour la plupart vides et aux devantures closes, le commerce ayant déserté toutes ces petites bourgades dans la tyrannie du centre commercial et de l’automobile.
Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#4086
Sous les veines blanchâtres d’un ciel bleu pâle, les grues, hangars et équipements du port se dorent au soleil hivernal comme des os. Les mares turquoises se succèdent après des bois de brindilles brunes, puis passe la Dordogne plate et grise. Des camions multicolores filent sur la route, les voitures sont des hannetons. Dans le couloir du train, un voyageur tintant et harnaché comme un scaphandrier passe en ahanant, il tire au bout d’une laisse une grande valise rose. Un chat pleure. Les grumeaux secs d’une lande, les troncs blancs de bouleaux dénudés, les rangs de sapins ébouriffés, des sentiers blonds dans le sable… Les rails filent et le voyageur perd son attention.
#4085
Je me souviens que, lorsque je vivais à Lyon, ville où je me sentais un peu étranger et pour laquelle je n’avais jamais développé d’attachement, je ressentais un certain plaisir chaque fois que je devais en partir. Un petit frisson d’évasion. De Bordeaux en revanche, ma ville d’élection, je n’éprouve au départ jamais qu’une sorte de réticence, un regret de m’éloigner même pour peu de jours, même pour des vacances.
#4084
#4083
À l’IUT Métiers du Livre de Bordeaux, où j’ai fait mes études au mitan des années 1980, j’ai eu un prof de culture hispanique, un gentil petit monsieur très distrait et très doux, qui était un réfugié chilien ayant été torturé par la dictature de Pinochet. Quelques années plus tard, j’ai appris qu’hélas il était mort, renversé par un bus alors qu’il traversait sans faire attention. Aujourd’hui je pense à lui, car le candidat de la gauche chilienne a remporté fort heureusement les élections présidentielles contre un candidat des nostalgiques de Pinochet.
