Enchanteresse nature ce samedi, sur un sentier de digue entre zone humide, ruisseau et Garonne. Nous l’avions déjà emprunté un beau matin d’hiver tout en givre, cette fois il éclate d’une profusion impressionniste. Les grenouilles ricanent et gloussent, un chevreuil dodu s’éloigne avec prudence, les grands arbres dodelinent sous le ciel calme. Blancheur du cerfeuil et de la silène, jaune des boutons d’or et du colza, étoiles minuscules des pâquerettes, et l’eau qui brille, étincelle. De robustes graminées se dressent tandis que s’ouvre le chant des oiseaux, sous les piliers électriques, seule empreinte humaine, où grésille la fée dans des structures aux allures de fusée de Tintin. Un lieu secret et préservé.
Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#6036
Quiétude verte d’un parc le matin, avant qu’en rangs pressés coureurs et clébards ne halètent dans les sous-bois. Un corbeau souligne le bleu d’un croassement sombre, un paon invisible lance quelques léons, un canard arpente une pelouse en grommelant. Pâquerettes et jacinthes. L’eau murmure derrière les bambous, et tournent les chevaux du manège.
#6035
Presque rien. Sur la brique faîtière de la maison d’à côté un merle chantonne face au soleil déclinant. Perchée au-dessus de lui sur la vieille antenne hertzienne, une palombe dodeline sa tête dorée. Le son de quelques cloches d’église flotte dans l’air doux. Les feuilles neuves du micocoulier frémissent sous une barre de nuages gris biffant le bleu tremblé du soir. Des cloches encore, le ronflement assourdi d’un convoi ferroviaire, une moto lointaine.
#6034
Le soleil en rayons éblouissants fuse entre deux nuages d’orage et fait luire la bourrache toute neuve dans un terrain vague, auprès des bouquets de coquelicot. Dans le nouveau quartier, les trois citernes devenues rouges se réinstallent, seule victoire patrimoniale au sein de cette dystopie cynique où rivalisent blockhaus géant et copies d’édifice fasciste. Des corbeaux bavassent au fond des rues molles.
#6033
Éreintante est l’existence de l’éditeur en salon : cet épisode des Escales du livre de Bordeaux, nouvellement au pluriel, fut contrasté, dirons-nous. Un vendredi tellement désert que l’on s’attendait à voir rouler des buissons dans les allées ; un samedi où l’affluence irrégulière et une chaleur plombante ajoutèrent à la dureté d’une clientèle très difficile à convaincre, chaque vente semblant devoir se faire au terme d’une âpre argumentation ; et un dimanche atone, entre embouteillage du devant d’un chapiteau mal organisé, chaleur puis orage, et lecteurs au compte-gouttes. Chaud et froid, assis et debout, aspirine et thermos de thé ; je vois double de fatigue, et encore ai-je évité en vieille dame que je suis les fiestas de chaque soir. Nos meilleures ventes furent cette année les Chroniques sarrasines de Boireau, les deux Pagel Roi d’août et Flammes de la nuit, et comme à chaque salon la palme revint à mon alter ego Olav Koulikov, dont les petits polars uchroniques pas chers séduisent systématiquement des lecteurs plus frileux devant fantasy et SF. Il s’agit de mon menu plaisir personnel des salons, que de signer ainsi du détective à vapeur.