Que Sarko soit éliminé est amusant mais voir en tête l’ultra réactionnaire homophobe Fillon… c’est assez terrifiant, en fait. Vous me direz, le premier soutien de Juppé c’était Martinon, mais Fillon c’est un homme qui a voté en 1982 contre la dépénalisation de l’homosexualité, qui s’est opposé au Pacs puis au mariage gay, et qui veut changer les termes de la loi Taubira. Donc oui, Sarko éliminé c’est plaisant, Juppé mis en minorité ça fait ricaner aussi, reste que Fillon c’était tout simplement le pire programme, le plus brutal, ultra libéral et réactionnaire, catho et thatchérien. Et ça me fout le trouille, oui, vraiment.
Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#2465
Hier soir il faisait relativement bon et sur la terrasse, levant le nez, j’ai regardé la lune, pleine et imposante, devant laquelle glissaient des nuées bleutées. Ce soir, on nous annonçait la « super moon » mais j’ai beau scruter, le ciel reste vide, bouché d’un couvercle gris rougeâtre. Ah mais si, la voilà, elle se lève et le ciel se fragmente de nouveau en larges écailles bleues. La lune est là mais elle ne me semble pas plus grande qu’hier. Des nuées en échardes noires flottent au ras des toits, il s’agit en fait de déchirures vers le ciel nocturne. Un train passe en ronflant et quelque chose tinte au loin, vers le boulevard.
#2464
Une raison de plus d’avoir envie de retourner à Londres au printemps prochain : à la fin de ce mois, le Design Museum rouvre dans de grands locaux, après tant d’années à s’être tenu serré dans l’ancien entrepôt à bananes des bords de la Tamise. Depuis le temps qu’ils espéraient un tel déménagement, cela fait réellement plaisir. En dépit de sa qualité, ce musée n’a jamais profité de fonds publics. J’ai hâte de le redécouvrir, et de voir enfin toute sa collection permanente — je note d’ailleurs une erreur dans un récent papier du Guardian, qui affirme que la collection permanente n’a jamais été exposée. Le journaleux doit être très jeune, car moi je me souviens fort bien qu’elle l’était, exposée, aux tous débuts du Design Museum. Sylvie t’en souviens-tu? Nous l’avions visité ensemble, la première fois. Il y avait une DS près de la baie vitrée et un petit logiciel où nous nous étions amusés à designer une brosse à dents. Mais allez, je dois bien admettre que je le regretterai, ce petit bâtiment blanc du bout des quais, tant j’y ai de très, très nombreux souvenirs (ah l’expo sur l’aluminium, Olivier). Londres ne cesse de changer.
#2463
Fan comme je le suis à la fois de la fantasy urbaine et de l’histoire des littératures du merveilleux, je ne suis pas peu heureux d’avoir donné cette semaine à l’imprimeur les fichiers de Sombres cités souterraines de Lisa Goldstein, qui sort aux Moutons électriques en janvier, traduit par mon excellent camarade Patrick Marcel. Un superbe roman qui part du constat que j’ai fait plusieurs fois dans le Panorama, celui d’une singularité de la fantasy dans le fait que pas mal de ses chef-d’œuvres proviennent d’un récit fait par un adulte à un enfant. Dans le comics Unwritten, Mike Carey a travaillé sur une idée semblable, le thème est très riche et intrigant.
« Vous savez ce que je crois ? reprit Ruthie. Vous dites que vous avez déjà vu ça. Je crois que votre mère avait raison – je crois que vous lui avez vraiment raconté ces histoires – mais à présent, je me demande si vous avez été le seul. Il y a une tradition d’adultes qui inventent des histoires pour les enfants, mais peut-être… Peut-être qu’ils ont tous débuté comme votre mère a commencé ses livres, peut-être que c’était en fait les enfants qui ont raconté ces histoires aux adultes. Le point de vue établi veut que Lewis Carroll – Charles Dodgson – ait inventé ses histoires pour Alice et ses sœurs, et que J. M. Barrie ait conté ses récits à cinq jeunes frères, dont l’un se prénommait Peter. Mais si ça s’était passé dans l’autre sens ? Si différents enfants, à différentes époques, étaient tombés par hasard sur cet endroit – ce Monde en Bas – et avaient essayé de l’expliquer à un adulte ? Et vous voyez : les aventures d’Alice se passent sous terre – c’est même le titre d’origine : Les Aventures d’Alice sous terre. Et les histoires de Barrie parlaient d’un endroit qui s’appelait Neverneverland, le Pays Imaginaire – peut-être que le nom dérive de Nether Land. Et pourquoi pas Le Vent dans les saules ? Il y a là un personnage qui s’appelle Taupe, et Kenneth Grahame a inventé les histoires pour son fils Alastair… »
#2462
Comme bien souvent, des envies de Londres me taraudent, que je ne saurai hélas concrétiser de sitôt. Et relisant avec délice le premier polar de Dorothy L. Sayers, Whose Body?, il me revient en mémoire une journée de décembre 2011 où alors que je m’étais lancé à la recherche des différents logis de James Bond et d’Agatha Christie dans Londres, j’avais traversé la Tamise afin de me rendre dans Battersea, sur une impulsion, vaguement sur la trace de cette première enquête de Lord Peter Wimsey. Je me souviens en particulier d’avoir eu la témérité de vouloir traverser Battersea Park. Si l’environnement urbain est dur — pierre, béton, brique, macadam — que dire de la nature? Sitôt entré dans le parc, je réalisai que la température venait de chuter de plusieurs degrés. Et alors que j’avançai sur un chemin, le froid monta brutalement dans mes jambes, me pénétrant jusqu’aux os. Les ombres s’étiraient en lames bleutées et le sol se barbouillait de boue. Impossible de tenir : je regagnai précipitamment le bord du parc et le trottoir extérieur, avant que de virer à un beau bleu schtroumpf. Tout de suite, la température redevint supportable. Il fit particulièrement beau, ce jour-là, je conserve le souvenir de cette lumière tendre et fragile sur Chelsea, glaciale et coupante sur Battersea, puis de nouveau chaude et rasante sur Pimlico.
