#5012

Trouver le temps d’écrire, c’est la grande question. Car cet été devrait me tenir plutôt éloigné de mon clavier, occupé à une tâche plus physique. Il me faut donc cravacher en ces mois creux afin primo de finir le « grand projet » qui m’occupe éditorialement ces jours-ci, puis il me faudra bosser sur une révision de traduction, avant d’enfin revenir à mes détectives et à mes dirigeables. D’ici là, je saisis toujours à la volée des bribes pour ne pas les oublier et, peut-être, ensuite, parvenir à compléter le puzzle. Exemples :
De temps à autre, Leni se penchait vers l’ombre verte où se heurtaient des barques. / L’odeur à la fois suave et amère du canal.

#5011

Abaissant le store de ma chambre, je fus surpris par la tête d’un géant qui me contemplait par-dessus la muraille de la résidence voisine. Une tête frisée et ronde, immobile dans la cendre du soir, seuls brillaient ses yeux dorés. Il s’agissait du feuillage du troène et des lueurs d’une fenêtre luisant derrière cet arbre, point hélas de quelque bienveillant Totoro bordelais.

#5010

Marcel Aymé, ECR Lorac et Simenon : rien de tel que de la bonne littérature pour trouver en soi un coin de calme, au lieu de se cogner aux parois de verre qui de partout nous enserrent. Et travailler à un très beau projet, aussi, de manière obstinée et régulière.

#5009

Promenade solitaire d’un samedi matin, par des rues blondes où l’oreille se tend afin de saisir ne serait-ce qu’un pas lointain, un grincement de volet, un ricanement de pie ou un chant de passereau. Deux parcs presque déserts, le jaune acide des jonquilles, les ruines d’un castel et les boulevards qui filent, grondant.

5008

Les ombres sont floues et des chats sombres glissent en silence sous l’ouate crevassée de bleu. Je m’interrogeais sur cette senteur de fumée, pas celle de ma cuisine, puis ouvrant la porte à la petite chatte, je compris : la ville entière, le quartier en tout cas, embaume la fumée nocturne. De l’autre côté de la résidence éclairée comme dans un Magritte, monte encore l’hourvari trouble du boulevard. Ma vieille chatte tourne et miaule, les yeux larges et lumineux, des fenêtres aveugles qui me fendent le cœur. Le dehors gris ne la tente plus, elle y heurterait ses vibrisses et son museau frémissant. Harassé et fébrile, je reste un moment immobile, à humer le soir dans un velours fragile.