#3004

« Brillant comme un sou neuf », est-ce que cela se dit encore? C’est l’expression à laquelle j’ai songé en sortant ce matin, dans une ville ripolinée de pluie sous un soleil éblouissant malgré la montagne de nuages. « Rutilante » ne doit pas s’utiliser mal t’a propos comme c’est devenu courant, les rues n’affichant rien de rouge mais plutôt le vert des voies du tram, le bleu du ciel reflété dans l’éclat des flaques et le blond des façades rénovées. Je m’en réjouis chaque fois, jamais tout à fait habitué à ces pierres si propres, moi l’enfant du Bordeaux noir des années 1980, quand la ville se maquillait de suie comme les garçons d’alors mettaient du khôl à leurs yeux. Entre deux averses, la ville est neuve.

#2997

Brève escapade ce midi pour respirer : une balade rive droite jusqu’à Pola, pour aller déjeuner au bureau de mon camarade David, éditeur à l’enseigne de l’Arbre vengeur. Bord de Garonne et ragondin familier (voilà qui est autrement plus original, comme animal d’éditeur, qu’avoir des chats), respiration en effet.

#2956

Plusieurs vols de grues dans le ciel bordelais, hier, en grands V cancanant bruyamment, c’est le chant de la saison. Et si les arbres de mon jardin ne virent pas à la rousseur automnale (le micocoulier perd simplement ses feuilles, le figuier pas encore, les troènes et l’andromède ne changent pas), les fleurs pour leur part sont soudain presque toutes dans des tons de jaune-orange : l’abutilon en cloches toujours abondantes, les quelques pensées dans un bac, les dernières floraisons des courges en corolles fripées, les suzanne aux yeux noirs sur leurs lianes, les capucines sous la houle de leur feuillage en soucoupes.

#2952

L’œil de la caméra et celui de l’homme ne distinguent pas les mêmes choses. Étant sorti dans le soleil luisant après une pluie d’orage, je vis tout au bout d’une rue une grande montagne blanche, qui dominaient les maisons blondes. Sur la photo, pourtant, il ne restait que de frêles nuages, alors qu’à mon œil continuaient de s’ériger de grandes épaules solides et neigeuses.

Des feuilles jaunes ou rouges jonchent les trottoirs noirs d’humidité, en des géométries automnales. En ville, les mêmes collines blanches dominent chaque échancrure de rue, sous un ciel d’un bleu innocent qui prétend tout ignorer des orages et des averses. Sur les quais d’en face, les arbres paraissent fumer des nuées grises, qui s’amassent en dôme au-dessus de l’autre rive.