#5189

« Combien de livres peuvent entrer dans le corps d’une femme, d’un homme, combien peuvent s’y tenir debout ». Une belle citation de Sereine Berlottier, trouvée à l’instant dans une chronique du serial diacritikeur Christian Rosset. Justement je lis de la poésie, en ce moment. Rythme et appréciations différentes du roman, il s’agit d’une toute autre respiration. Car l’un de mes auteurs favoris, Jacques Réda, 94 ans au compteur, vient, ô miracle inattendu, de sortir un nouveau recueil. Sur les arbres, sujet qui justement m’est cher. Et au salon Escale ce week-end j’ai complété ma collection des recueils d’Etel Adnan.

#5182

Du « storytelling » appliqué aussi bien à la politique qu’à la publicité à la vogue quasi universelle des séries télé, nous vivons dans une société obsédée par les « histoires » : nous voulons que l’on nous raconte, nous voulons du récit. Je n’imagine pas qu’il s’agisse là d’un phénomène nouveau, bien sûr : de même qu’avant les stars de la pop et du ciné, il y avait par exemple les poètes à succès (Lord Byron !) et les étoiles de la danse ; avant notre époque, il y avait déjà les phénomènes des romans-feuilletons, par exemple. L’anecdote des gens se pressant sur le port de New York pour attendre l’arrivée d’un bateau apportant la dernière livraison d’un feuilleton de Dickens ferait pâlir d’envie les best-sellers actuels.
 
Tout cela pour dire que, comme la plupart de mes concitoyens, je suis « accro » aux histoires. « Accro » aux récits, je veux que l’on me raconte des histoires, et tous les jours, tous les matins, tous les soirs. Dans mes lectures personnelles comme dans la production que je m’efforce de faire émerger au sein de ma propre maison d’édition, ce qui me motive, ce qui me propulse, ce qui me met en appétit comme ce qui me nourrit, ce sont les « histoires ». Et quoique d’aucuns estiment certainement que je ne lis et ne publie que des « sornettes » (comme Malicorne disait en chanter), cela ne m’empêche pas dans un même mouvement de m’interroger sur les genres, leur construction, leur évolution, leurs formes diverses (car tout de même, du feuilleton populaire à la « spéculative fiction », il y a tout un monde, ou plusieurs), leurs forces… et leurs limites, bien sûr.

#5177

Mon auteur préféré vient de mourir. J’ai appris cela tout à l’heure alors que je me trouvais en bus, et c’est bête, mais j’ai eu envie de chialer. Pourtant on le savait, il était malade depuis très longtemps et avait fermé son blog en janvier. Ça reste un choc et une immense tristesse, j’adorais ce mec, sans jamais l’avoir rencontré — Christopher Fowler. Auteur d’horreur, au départ, puis, étant un fou d’érudition sur Londres, il s’était envolé avec sa série de roman policier étrange, « Bryant & May ». Je n’ai pas encore lu les deux derniers, je me les gardais — pas lu encore le polar qu’il a eu le temps d’écrire grâce à sa longue rémission, ni sa deuxième autobio alors que j’ai déjà lu deux fois la première, si drôle et si touchante. Je m’attendais à la mauvaise nouvelle et elle me frappe quand même de plein fouet.

#5141

Combien d’ouvrages dans cette bibliothèque ? Environ 5000 et par conséquent au moins l’équivalent d’une vingtaine d’années de lecture, il semble donc improbable que je lise ou relise tout cela — ce qui compte en vérité étant le potentiel, la richesse de possibilité de lecture qui repose ainsi, en rangs serrés et fertiles.

#5132

Je me tiens à mon programme de (re) lecture de tout Edmund Crispin. Il a écrit presque tous ses romans lorsqu’il avait entre 20 et 30 ans et cela se sent dans son énergie, son humour, ses quelques outrances (des mots rares glissés avec gourmandise), une sorte d’enthousiasme juvénile absolument rafraichissant. D’ordinaire, j’ai souvent du mal à me tenir à un programme de lecture (encore qu’il y a quelques mois je m’étais également refait un marathon Sayers), cette fois cela se déroule sans anicroche, sans lassitude, tellement les romans de Crispin pétillent. Une chose curieuse, Crispin ne situe tout cela qu’à des moments où il fait beau et très chaud — l’Angleterre de l’immédiat après-guerre connut-elle des canicules ou bien l’auteur n’aimait-il pas les ambiances pluvieuses et les courants d’air ordinaires de son pays ?