#2713

Comme le professeur X me l’avait prédit depuis longtemps, bien entendu j’aime beaucoup les polars de Lilian Jackson Braun et mon excellent camarade Pagel m’en ayant déniché une pile en VO je poursuis mes lectures. Mais c’est amusant, comme la prose de cette dame pouvait être désuète déjà à l’époque : elle écrivait dans les années 1980 exactement le même type de roman policier que les auteurs du Golden Age américain (plus publiés de nos jours), genre Doris Disney, Hulbert Footner ou Jonathan Stagge… ou encore plus ressemblant, à un point étonnant : l’autrice qui signait Alice Tilton (ambiance urbaine / antiquaires) ou Phoebe Atwood Taylor (ambiance cambrousse US et bord de l’eau) ; très clairement Lilian Jackson Braun devait en être une fan pour en reproduire à ce point tout le charme (à un moment où Taylor était oubliée), les chats en plus. Et curieusement, le fait d’écrire dans les années 1980 du polar à la manière de ceux de cet entre-deux guerres purement étatsunien lui procure une sorte de patine, pas du tout un effet vieillot mais une vraie atmosphère, quasi une intemporalité.

Toujours au chapitre des lectures actuelles, figurez-vous que je n’avais quasiment pas lu les « Lefranc » de Jacques Martin, aveu terrible de la part de quelqu’un qui fut libraire de bédé durant un siècle ou deux ! Et encore une fois à cause de Michel Pagel, dont on ne dira jamais assez quelle influence pernicieuse il a sur moi, je viens donc de lire les trois premiers. Bon, c’est du Jacobs-like avec un dessin absolument dénué de toute personnalité, une gamme très limitée de visages, des tunnels de texte monstrueux et un personnage fadasse simplement recopié sur Jean Valhardi, sidekick ado compris, bref ça pourrait être terriblement chiant comme je le craignais — mais non, la narration a une telle énergie, ça court à toute vionze, c’est enfiévré, too much, que ça fonctionne sur cet élan, sur cette énergie de l’histoire. Là où Ric Hochet et Jean Valhardi roupillent pépères, Guy Lefranc fonce à tel point que je m’étonne qu’il s’arrête certaines nuits pour bêtement dormir. Bon, on verra comment ça a évolué ensuite.

#2710

Pour prolonger mes travaux de fouille de ce week-end, je viens de descendre à la cave et de monter au grenier, chez moi, afin de voir si vraiment je n’ai plus de « vieilleries » de Roland qui traînent… et ai donc retrouvé une anthologie ô combien fanique avec l’une de ses premières nouvelles, ainsi qu’un fanzine avec une interview par Pagel. Et chez elle, Sylvie a retrouvé une poignée de Vopaliec. Cool ! Tiens, de Charles Aznavour : « La jeunesse amène d’abord sa folie, puis elle apprend. »

#2709

J’ai passé le week-end avec le cœur empli d’une tendresse immense, celle pour mon vieil ami Roland C. Wagner, dont je suis venu explorer à Auch les archives. Grâce à l’immense gentillesse de Sylvie Denis sa compagne — et avec la bénédiction de sa fille, Natacha, merci à vous deux — ce ne fut pas un événement triste, je redoutais un peu mes propres émotions ; au lieu de quoi, à remuer toute cette paperasse, à explorer son ordinateur et à soulever tous ces cartons, j’ai souvent ri, retrouvant la légèreté, la fantaisie et les passions de mon grand copain, m’amusant de détails, m’attendrissant d’une lettre de refus ou d’une photo, m’émerveillant de découvrir des nouvelles de jeunesse, des notes manuscrites, le début de son dernier roman, des interviews… Maintenant j’ai un gros travail devant moi, bien entendu, mais ce sera avec un vrai plaisir et je me sens le cœur plus calme.

(Photo : le bureau du Mac de Roland)