#2926

Hier soir, lors de ma promenade vespérale, le rose du ciel teintait toute la ville d’une note beige plus soutenue encore qu’à l’habitude, rebondissant de façade en façade et transformant les plus sévèrement classiques en couverture de la NRF.
Un même vent acide coule aujourd’hui sous les nuées grises, si bienvenu après l’heureusement brève poussée d’excessive chaleur. Une odeur de pluie qui ne tombera pas traîne dans l’air qui faseye, alors que la veille une senteur d’allumette frottée piquait les narines. Sous le figuier vibre une ombre presque phosphorescente, l’herbe sèche se couvre des corps racornis de feuilles abandonnées.

#2925

Un charmant mystère vient de s’élucider. Depuis quelques soirs, il m’arrivait d’entendre des sons de cavalcade sur les tuiles, mais pourtant Mandou, d’ordinaire si prompte à réagir et à aller défendre son territoire contre de félins intrus, levait à peine le museau et n’intervenait pas. J’en étais à m’interroger sur la nature de l’animal caracolant ainsi, à la fois bruyant et léger : déjà que j’ignore qui sont, depuis des années, les hôtes du plafond de mes toilettes, dont j’entends régulièrement les fruchements et petits cris — merles ou petits mammifères ? Eh bien, ce matin j’ai compris qui sont les galopeurs : trois chatons, la bouille étonnée et les oreilles trop grandes, masque blanc et pelage rayé, qui gambadaient et se poursuivaient au sommet du grand et large mur dominant les jardins de l’impasse. Curieux comme mes chattes s’avèrent indifférentes à la présence de ces trois jeunesses de leur espèce.

#2924

J’ai le souvenir que dans un rêve cette nuit, mon logis, ce bateau de pierre, se trouvait soudain sous l’ordonnance gouvernementale d’une distanciation sociale : comme dans un épisode de Harry Potter mais à l’envers, les maisons se séparaient les unes des autres dans de grands grincements calcaires.