#2958

Un vieux copain est mort la nuit dernière, celui qui pendant une poignée d’années à la fin des années 1990 co-dirigea avec moi le fanzine Yellow Submarine et même, l’imprima, celui que je surnommais alors le Bosco, moi qui étais le Capitaine. Joseph Altairac. Je ne sais même plus quand je l’ai rencontré, ayant l’impression de toujours l’avoir connu, ce cher collectionneur fou, cet érudit incroyable ; à Ermont chez ses vieux parents, ensuite dans son encombré et craquelant petit appartement du XVIIIe, et puis surtout, depuis toujours aussi, lors des rencontres de la Braderie de Lille. Je réalise à peine combien tant de choses ne seront plus jamais pareilles. L’impression d’avoir perdu un repère.

#2956

Plusieurs vols de grues dans le ciel bordelais, hier, en grands V cancanant bruyamment, c’est le chant de la saison. Et si les arbres de mon jardin ne virent pas à la rousseur automnale (le micocoulier perd simplement ses feuilles, le figuier pas encore, les troènes et l’andromède ne changent pas), les fleurs pour leur part sont soudain presque toutes dans des tons de jaune-orange : l’abutilon en cloches toujours abondantes, les quelques pensées dans un bac, les dernières floraisons des courges en corolles fripées, les suzanne aux yeux noirs sur leurs lianes, les capucines sous la houle de leur feuillage en soucoupes.

#2955

Me fascine toujours cette synchronisité subjective qui fait que, lorsque je travaille sur un texte, qu’il s’agissait dans le temps d’un essai ou maintenant d’un roman, la moindre lecture l’alimente, telle saturation stylistique ici, tel rythme là, un point de vue, soudain tout converge, « tout fait ventre » pour mon imaginaire. Il y a deux jours, je commence à lire un roman australien et dois le reposer précipitamment car cette description d’une salle de cuisine, bon sang de bois mais c’est celle que je voulais écrire – vite, poser ce livre et ne surtout pas y penser, afin de ne pas risquer une involontaire inspiration. Et ce soir au contraire, cette scène déjà lue tant de fois chez Elizabeth Goudge et qui, racontée à ma façon et au service de mon récit, développée dans mon propre cadre, oh bon sang oui, pourra former l’amorce de ma deuxième partie. Éponge.

#2954

J’ai donc posté ou ups-é mes cadeaux de Noël à qui de droit, puisque émerger de mon ermitage ne semble plus au programme. Triste. Au-delà de la question des librairies, celle des commerces de proximité fermés au profit des seules grandes surfaces agite soudain ces mêmes maires qui depuis si longtemps invitent goulument en périphérie les supermarchés qui vident leurs centre-ville. Curieux. Et hier soir un froissement soudain dans l’entrée alerta les chattes : quelqu’un venait de glisser un paquet de bonbons par la fente postale, gentille attention certainement d’un Halloween confiné, las il s’agissait de confiserie industrielle à base de cochon mort, ce fut poubelle immédiate. Amusant. Je retourne lire.