#6109

Je ne sais plus exactement lorsque j’ai vu ma tante Solange pour la dernière fois mais ça importe peu : après la mort, ce qui reste d’une personne sont les souvenirs et ceux-ci forment comme un portrait en plusieurs dimensions, tels des calques entassés que le regard mental saisit parfois d’un bloc et d’autres fois un par un. Des crayonnés en couleur ou en noir, des impressions de toutes les époques, mémoire translucide et autant visuelle que psychologique. Solange traversant ma vie depuis mon enfance, périphérique et pourtant importante. Un poisson en terre cuite, un roman de Kerouac, et tant et tant de moments en mémoire.

#6108

20 ans et 6 mois, c’est déjà long bien sûr, c’est plutôt une réussite pour une entreprise, me dit-on. Mais cela demeure encore trop court lorsque ça s’arrête : après 20 ans et 6 mois, les Moutons électriques ferment hélas les portes, nous déposons le bilan. Nous aurons lutté jusqu’au bout, mais le concret nous a rattrapé, un vrai mur. C’est la fin d’une chouette histoire. 20 ans et 6 mois avec de belles personnes, de beaux auteurs, des lectrices et lecteurs adorables, mais aussi des galères innombrables, des libraires trop peu nombreux à légitimiser l’indépendance et l’imaginaire, un marché qui ne cessait de réduire. 20 ans et 6 mois et puis s’en va.

#6107

Ces temps-ci je lis ou relis du Eric Brown, autre favori hélas disparu, pas cette fois sa SF mais ses polars fifties, d’une qualité supérieure – le genre d’auteur qui influe à tout ce qu’il fait la précieuse note de talent qui fait toute la différence. Et puis ça me fait songer, entre deux tâches comptables et des séjours à la librairie où je suis bénévole, à la possibilité de continuer à « gratter », comme me l’a dit drôlement un copain avant Noël : écrire un peu. La perspective différente que me procure en ce moment le fait d’être en fauteuil roulant une partie du temps (talon fendu, très douloureux) me rend l’envie d’écrire encore du Bodichiev, cette fois en vision de handicap, à hauteur de fauteuil, on le fait trop rarement. On verra, j’y songes, tout comme je songes aussi beaucoup à Londres dont j’ignore si j’y retournerai jamais. Temps et humeur maussade des premiers jours de janvier, rien que de très classique.