#2507

La candidature de l’apparatchik Hamon m’attriste et m’irrite tour à tour. Et je ne peux m’empêcher, à propos de l’épisode Jadot, de me souvenir d’une remarquable trahison que les écolos semblent avoir oubliée depuis belle lurette. Je ne parle pas de l’accord de 2011 jamais tenu par le PS, oh non, même pas : je pense à une lointaine élection européenne où le gouvernement Mitterrand, pour flinguer les Verts, avait monté de toute pièce un faux parti. Oui, un parti fictif : ERE, mené par les dénommés Lalonde, Doubin et Stirn, avec un programme écologiste… Et l’entourloupe porta ses fruits : les Verts obtinrent 5% de voix et ERE également 5%, divisant ainsi proprement par deux le poids des premiers. Bien entendu, dés l’élection terminée, le parti ERE disparut sans laisser la moindre trace.

#2505

Sweet sweet home, après une salonnerie vaine et éreintante (et avant une autre salonnerie, bien plus longue). Retour par le chemin des écoliers en une longue balade contemplative autant qu’automobile que l’on pourrait nommer « les aventuriers de la Saintonge perdue ». Gloire aux petites départementales, qui nous permirent de profiter du spectacle des larges pierres blanches et de l’ardoise de Touraine, des petites pierres jaunes et des tuiles de Poitou, puis de naviguer dans les deux Charentes depuis la beauté du pays d’Aigre jusqu’aux forêts rousses (les fougères), blondes (les herbes) et vertes (les pins) de l’approche maritime, pour finir dans la grandiloquence industrielle du port d’Ambès.

#2504

Ce fut certainement l’expérience la plus plaisamment et authentiquement étrange de mon existence.

Le contexte était émotionnellement particulier : mon dernier boyfriend et moi venions de nous séparer, après quelques mois délicieux. Je savais depuis le début que ma relation avec Werner ne durerait que le temps de son séjour lyonnais mais, malgré tout, retomber sur Terre s’avérait un rien douloureux, je me sentais fragile et déséquilibré. Pour me changer les idées, je me rendis ce printemps-là à Londres, où un phénomène étrange prit de l’ampleur. Depuis peu j’étais sujet à des « déjà vus », des micro-secondes où j’avais l’impression fugace d’avoir déjà vécu une scène ou un instant. Une fois à Londres, ces épisodes se firent plus nombreux, je me souviens d’un moment où, dans la deuxième pièce de la librairie pour enfants près du British Museum (qui n’exista pas longtemps), je me figea pour tenter de saisir une sorte de souvenir, en vain. Ces petites perturbations du réel se poursuivirent durant tout mon séjour, un « déjà vu » dans le bus ensoleillé qui remontait de la Lee River, un « déjà vu »  derrière le Middlesex Hospital (qui lui non plus n’existe plus), un « déjà vu » assis dans un pub de Kensington, etc. Avec chaque fois l’impression d’un souvenir insaisissable, juste hors de portée. Amusé par cette étrangeté, je m’en saisi pour broder quelques histoires, faisant semblant de croire qu’il s’agissait d’instants volés à un univers / une existence parallèles, tant de toute manière j’avais l’impression d’avoir habité à Londres, peut-être… Certaines de ses petites auto-fictions, notées dans des carnets, furent intégrées ensuite à des nouvelles, pour le cycle d’uchronie que je tentais de rédiger — cela semblait s’imposer. De cette trouble uchronie personnelle d’un séjour, et de la fréquence de mes voyages à Londres en résidant toujours à l’Alhambra Hotel près de St Pancras, je conserve encore aujourd’hui l’impression d’avoir en quelque sorte « mon » quartier à Londres, tant bien que je loges maintenant ailleurs, dans le nord.

En rentrant à Lyon, un médecin m’expliqua qu’il s’agissait d’une chose bien connue : un simple manque de fer, qui crée ces « déjà vus » — les neurones qui patinent un peu, créant des liaisons mémorielles fantômes. Quelques pilules de fer et le phénomène fut effacé, presque à mon regret.

#2503

Il y a quelques mois, je me réjouissais d’avoir bouclé deux projets, deux livres. L’un avait été aisé, puisqu’il ne s’agissait que de retoucher un ancien texte, sous la férule sévère mais juste du professeur X. L’autre m’avait demandé énormément plus de travail, d’attention et de persistance, ainsi que nombre de conseils d’amis. Et maintenant? Eh bien, le premier va finalement paraître en mai chez les Moutons électriques, après un report de quelques mois. Le second… ne sortira pas, l’éditeur prévu s’étant évaporé. Et du diable si je vois quel autre éditeur pourrait publier un tel livre, si personnel, entre « nature writing », psychogéo et humeurs poétiques… Enfin bref, j’ai donc bouclé hier Sur les traces de Frankenstein, que je pense être l’un de mes plus beaux travaux.