#2994

J’avais vendu à mes camarades des Saisons de l’étrange le principe d’une trilogie de volumes consacrés à mon détective privé, Bodichiev, et ils les ont concrétisés, je leur en suis infiniment reconnaissant — le troisième, le roman Menace sur l’Empire, est paru il n’y a pas longtemps. Allez voir leur financement en cours, d’ailleurs (« La foire de l’étrange » sur le site Ulule), c’est plein de lots très alléchants et leur but est rendu plus aisé à atteindre grâce à un récent mécène, les textes sont excellents et ça vaut donc grave le coup de les soutenir — mais bref, il s’est avéré que mon goût pour Bodichiev se trouvant réveillé, j’avais envie de poursuivre au long cours, j’ai déjà deux volumes d’avance… et la chance qu’un autre petit éditeur vient de me proposer d’assurer cette suite. Entre Christian Robin cet éditeur, Michel Pagel qui me relit, Mérédith Debaque qui continuera à être mon directeur littéraire et Melchior Ascaride aux couvertures, j’estime avoir une veine inouïe. Je termine donc une deuxième lecture du prochain roman, Les Trois cœurs, qui devrait sortir en novembre chez Koikalit, je fini une nouvelle à Oxford — et hier soir ai pris pas mal de notes pour une autre, où je vais me « risquer » pour une fois à créer des décors que je n’ai pas visités. J’avais déjà fait cela dans une nouvelle située au sein du même univers, pour une anthologie qui doit sortir en début d’année prochaine, et le hasard de lectures concomitantes sur Raguse (Dubrovnik) m’inspire pour tenter cette autre escapade.

#2993

Sept ans et toujours pas blasé. Le rythme blond des façades des quais dans la lumière jeune. L’éblouissement du soleil à la traversée du pont. Le tramway filant sur la longue avenue bleuie de jour, où les arbres lèvent encore les poings tordus de leurs branches dénudées. Un parcours déjà familier en bord de rocade, arriver dans le triomphe des cloches puis c’est les explorations du samedi, le « fil vert » de coteau en coteau, la neige des pétales de pruniers serrés en rangs de robes blanches, la banlieue en fleurs sous les vols de grues et en croisant les pies.

#2992

Matin froid, marbre blanc, retable des Bernin et tableau de Philippe de Champaigne, les obscurités de nos vies, le cierge pascal, de l’orgue, une crosse, deux mitres et des chasubles mauves, l’encens… Depuis que je suis à Bordeaux c’est la deuxième fois je me rends à une messe, orthodoxe la fois précédente, bien catholique cette fois.

#2991

Deuxième nuit à mal dormir, les yeux plein de sable le matin, à mâcher des bâillements, et des charpies de songes encore en tête, Ayerdhal dans une convention, Mérédith avec un bandeau sur un œil, Michel Pagel qui passait, Melchior et Nathanaëlle dans la bibliothèque de mon grand-père… Plus de monde sans doute que je n’en croise dans le réel en ces années pandémiques…

#2990

Un concert de trompes ferroviaires vient de sonner ses notes claires dans le vent gris soufflant au dehors, qui secoue les arbres et gronde dans la cheminée. J’attends toujours un dimanche plus chaud et plus serein afin d’aller faire quelques travaux au jardin, qui reste encore dans son état hivernal habituel, entre verdure et maigreur, et juste quelques fleurs. Un imprudent rouge-gorge, tout jeune, le fréquente depuis quelques jours. Pour la première fois depuis un an, je me suis risqué ce matin au rituel dominical de la brocante saint-Michel, le temps incertain y rendant clairsemée l’assistance. Bonne pioche, deux volumes de l’intégrale Simenon que je cherche à compléter, celle en petits hardcovers noirs, ne m’en manque plus que cinq — car je suis retombé chez ce vieux Georges et auprès de ce bon Jules. Après un tour au marché, dans une allée peu fréquentée où personne n’attendait chez le fromager, j’ai prolongé ma promenade d’aspect presque normale (normal-ish) par une remontée jusqu’à la place Nansouty, en faisant juste des détours pour passer au large des petits groupes de mâles maghrébins qui s’agglutinent devant certains bistrots. Le grand vent disperse les miasmes, peut-être s’agit-il d’un des secrets du taux relativement bas de l’épidémie dans la région ? Toujours est-il que ça rugit encore, et qu’il pleuvra demain — la douceur bordelaise ne doit pas faire oublier que nous ne sommes encore qu’en février, une période idéale pour lire et écrire.