#3034

Courant 2013, je conçus l’idée de deux anthologies consacrées aux détectives du passé — initiative aussitôt considérée comme saugrenue par notre diffuseur d’alors, visiblement effrayé de devoir vendre des livres. Le projet fut donc réduit de moitié et je fis appel à ma vieille amie Christine Luce pour m’aider à réunir un tel sommaire, ainsi qu’à quelques vaillants traducteurs / trices. L’ouvrage vit le jour en 2014 et depuis, bon an mal an, cette anthologie s’imposa comme un joli « long seller », que nous allons donc rééditer en juin qui vient, dans un sommaire et un format condensés (nous n’avons conservé que les nouvelles anciennes). Et j’en suis bien content, ça fait un beau et ventru petit volume noir, à ranger au côté de mon London Noir du même esprit (qui fut l’une des meilleures ventes ovines de 2019).

#3033

Le soleil qui décline dore la façade de vigne vierge. Entre deux coups de vent un gros rouge-gorge ébouriffé sautille sur le banc, puis arrive une nouvelle bourrasque qui froisse tout au dehors, chaque feuille éveillant son propre tonnerre.

#3032

Des roucoulements de pigeons dominent le paysage sonore de ce coin de campagne, avec la note grave d’un coucou en arrière-plan et tous les gazouillis pointus des petits volatiles. Des merles au bec aigüe et à l’œil vif ne cessent d’aller et venir du noisetier à l’étendue de pâquerettes et de celles-ci à la table ou au sureau. Des croassements flottent dans l’air que le vent bouscule. Une pluie fine grésille doucement sur la véranda. La lumière baisse soudain, une ombre humide enfle dans la verdure et l’averse commence à tambouriner.

#3031

Paradoxalement, ce qui déclenche le mieux ma machine mémorielle n’est pas la vue classique de Chinon, la ville dont ma famille est originaire, mais, en lui tournant presque le dos, celle du faubourg de l’autre côté de la Vienne, cette « carte postale » du pont de Chinon et de la maison de l’île. Bâtie au milieu des arches de pierre, cette demeure symbolise pour moi au moins autant que le château sur son coteau cette petite ville où je venais chez mon grand-père. Ma grande tante Lucie Boutillier du Retail vécue dans la « maison de l’île » à la fin de sa vie.

#3030

La vieille Jabule, avec dix-sept ans à son compteur félin, ne pouvait rester sans soins durant plusieurs jours (médicament matin et soir), c’est donc avec la bête que je me suis rendu au pays de mes parents. Première fois que la chatte voyage et la voir découvrir une grande maison, explorer un immense jardin, jamais loin de moi, miaoutant tous ses commentaires d’abondance, s’avère un touchant délice.