#3016

Mon prochain roman bouclé hier matin (je pense), après l’attentive et sévère relecture de mon frangin Pagel, je respire un peu mieux. Les Trois cœurs sortira à la rentrée chez un petit éditeur de Saintes, Koikalit, et poursuivra mon exploration des vies des détectives Viat Koulikov et Jan Marcus Bodichiev dans une uchronie proche. Je leur ai déjà consacré trois petits volumes aux Saisons de l’étrange, et une poignée de nouvelles (un gros omnibus est prévu). Et de fait un autre recueil est en cours de finition, que j’espère achever cet été. Alors donc je souffle un peu, et avant de me plonger dans le fleuve tumultueux d’un Stefan Platteau (qui vient de me rendre le début de son prochain tome), je poursuis mes lectures polar « vintage », des Michel de Georges Bayard en Bibliothèque verte et des Jacques Decrest, l’un de ces grands messieurs du roman policier qu’écrasa le rouleau compresseur du néo-polar et le culte du « roman noir » : eh bien je le préfère gris, moi, le polar.

#3015

Retour de la lumière d’automne, après le grand éclat bleu de ces derniers jours. Marbré et tavelé, le ciel domine de ses grumeaux de grisaille une ville dominicale presque muette. Je déplore en hiver non pas le froid ou la pluie mais que portes et fenêtres closes me coupent de la rumeur urbaine, à laquelle j’aime prêter l’oreille, cet environnement sonore que je décris souvent : pour l’heure le souffle du vent, les grincements d’un train, une voix éloignée, le froissement de papier qui débute le chant du rouge-queue, les pia-pia des piafs, l’appel du coucou. Au jardin se pose un instant un merle au dos aussi tacheté de blanc que si la javel l’avait éclaboussé. Fausse impression d’un confin, la solitude d’une encoignure sans histoire sur la carte.

#3014

L’après-midi sous le figuier, les pieds dans l’herbe. Les yeux qui piquent de fatigue et la cervelle dolente, à lire un peu mais seulement un peu, et à écouter ce fond de ville depuis un coin de jardin, ou le contraire. Les longs chants de bronze des cloches d’une église, la rumeur indistincte des autobus sur le boulevard, les miaulements d’une chatte réclamant mon attention, et surtout les balancements frottés du feuillage dans le souffle de l’air. Chaque fois qu’une bourrasque inattendue bouscule les arbres me revient un souvenir de Bretagne, Saint-Brévin sous ses pins, ce caractéristique bruit du vent dans le calme.

#3013

Ces jours derniers si, sortant de chez moi, je tourne le coin de la rue, que celle-ci sent bon ! Le chèvrefeuille de l’arrêt de bus, les grands acacias au-dessus de la voie ferrée, le parfum entêtant d’un pieri auquel répond celui un peu plus loin d’une glycine. Senteurs du printemps, et chantent les rouge-queues. De quoi, un tout petit peu, entretenir le moral dans un monde plutôt moche ?

#3012

Habitant aux abords d’une tranchée ferroviaire, j’en observais ce matin en passant la tranquille guerre végétale qui, inconnue des hommes, s’y joue actuellement. Un combat de coquelicots : de mon côté de la voie, viennent de fleurir les bouquets orange des pavots de Californie, ces Eschscholzia qui occupent exactement la même niche écologique que le bon vieux coquelicot rouge et tendent à le remplacer. Sur l’autre versant, à l’abri des murs noircis et tagués, cependant, c’est bien notre Papaver rhoeas qui agrémente le haut du pierrier de ses bouquets rouges. On ne se mélange pas, chacun chez soi et les pavots seront bien gardés.