#3011

Chaque samedi matin je rentre en paysage avec la complicité d’un ami, nous arpentons petites rues et chemins de traverse, coulées vertes et coteaux, bords d’eau et voies ferrées. Pour le marcheur urbain que je suis, accoutumé à une ville essentiellement plate, me surprennent particulièrement les promenades sur les hauteurs de la rive droite, avec ses panoramas soudains sur le paysage de Bordeaux enfin considéré en vue d’oiseau. Un au-dessus d’autant plus fascinant qu’il est rare en ce territoire.

#3010

Je constate fréquemment que les librairies françaises manquent de diversité dans les rayons qu’elles proposent et m’étonne même de l’absence complète de deux rayons classiques de leurs collègues anglo-saxonnes, à savoir le rayon de la nature (et plus particulièrement l’absence de « nature writing » en France) et celui des biographies littéraires – pas les pâles confessions des vedettes souvent rédigées par des nègres, mais les études longues, sérieuses et détaillées des vies des grands artistes et écrivains (surtout), qui constituent un genre littéraire en soi. Assouline a beaucoup contribué à ce « rayon absent », comme Maurois autrefois, et pour ma part cela demeure l’un de mes péchés mignons que de régulièrement me plonger dans l’un de ces pavés afin d’accompagner et mieux comprendre tel ou tel auteur. J’avais lu il y a quelques mois une autobiographie de l’auteur britannique que nous connaissons (?) sous le nom de plume de Richard Cowper, et je suis présentement dans une bio de Margery Allingham, l’un des phares du roman policier classique d’outre-Manche. Mon ancien complice Olivier qualifie cela d’un travers de « biographisme » mais quoi, je regrette de ne pouvoir lire la bio d’un André Franquin ou d’un Michel Jeury, par exemple.

#3009

Insomnie du petit matin. Tendre l’oreille au vacarme du ramassage des poubelles vertes ; entendre passer en grondement cadencé un train de marchandises ; écouter le raclement de gorge électrique d’une micheline du côté des ateliers ferroviaires ; et dans le creux de la nuit, le murmure des boulevards, avec les premiers chants d’oiseaux en dentelle sur cette toile d’ombre.

#3008

De l’autre côté de la vitre, la ville nocturne se réduit à des masses d’un bleu sombre, aux reflets éteints des fenêtres de la résidence d’en face et au pointillé des réverbères dans l’échancrure qui s’ouvre vers la voie ferrée. La chambre conserve encore la touffeur de la journée alors que la température s’effondre au dehors. Un baragouin indistinct grommelle non loin, dans les profondeurs de la pierre : celui du téléviseur de la vieille voisine, mademoiselle Rose, de plus en plus sourde et se couchant de plus en plus tard.