#5071

D’ordinaire, durant la période estivale je mets l’édition en pause et me consacre essentiellement à l’écriture de tel ou tel livre. Cette année hélas, une telle respiration ne m’est guère possible, entre des bouquins à boucler, des changements à gérer, des projets à mener et des travaux à suivre, la coupe est pleine. C’est donc seulement le week-end, cet été, que, m’étant trouvé une rurale résidence d’écriture, je fais retraite pour essayer de rédiger le huitième Bodichiev, Les Mystères de l’Empire, à l’ombre des grands cyprès. Un roman écrit dans la chaude senteur de résine.

#5070

Flottent les bruits gourds et fragiles des heures matinales, et avec eux monte enfin la fraîcheur, puisque celle-ci, après une grande chaleur, semble toujours monter de la terre plutôt que de nous tomber sur les épaules comme une froide couverture du ciel. Nappe, souffle, respiration, plusieurs mots me viennent par association. Fumée, aussi, car l’odeur des feux alentours a couvert la ville durant la nuit et teinté notre air d’un insistant fond d’amertume âcre.

#5069

Se lever très tôt après une nuit fraîche à la campagne, redescendre à Bordeaux dans la lumière vive, tram, bus, tout ouvrir, arroser le jardin, à l’orée d’une journée en apnée — notre vie caniculaire. Et la région brûle.

#5068

Quelques pas pour réfléchir et, comme l’on ramasse des coquillages sur la plage, je me penche sur des artefacts déposés par la nature : feuille morte craquante du magnolia, lambeau d’écorce à l’élégance minimaliste, pomme de pin, branchette… À la place de la mer, il y a le murmure du feuillage des grands arbres.

#5067

La nature me gâte : je viens d’avoir le bonheur d’écrire dans la fraîcheur matinale tout en observant du coin de l’œil un renard qui allait et venait, tranquille, juste devant moi dans la prairie du devant. Je ne vois pas le merle qui, sous l’immense séquoia, gratte le tapis d’aiguilles avec insistance, mais le devine.