#5088

Qu’est moche désormais cette amorce de la rive droite de Bordeaux, couverte d’une architecture médiocre, des chameaux gris au long cou et des girafes myopes aux meurtrières serrées. Ensuite s’étire toujours le désordre des entrepôts puis, le train passé sous le pont d’Aquitaine, ce sont les camions et voitures en rangées de boîtes brillantes, les silos rugueux et les tubulures baveuses du port. Un maussade paysage industriel auquel succède le mitage mesquin des pavillons individuels. L’on franchit une Dordogne à l’eau beige et enfin s’étalent les mares de prés détrempés et les arbres dépeignés, feuillages rouges ou jaunis, sapinières basses et élans sombres des pins : défilent les verticales et les débordements liquides. Chaumes blonds, vallons verts et terres roussâtres, sous un ciel diaphane et frileux. Des balles de paille s’espacent comme les pièces d’un jeu de dames. Vu au travers d’un champs la course d’un renard, au-dessus d’un autre le plané d’un corbeau et sur une rivière un groupe de pigeons, envol gris et blanc.

#5087

Aujourd’hui sort en librairie cette nouvelle version d’un ouvrage cher aux cœurs de my old chap Mauméjean et de moi-même, texte quasiment inchangé (j’ai juste un peu corrigé certaines notes) mais iconographie totalement nouvelle et maquette itou. Grand et en couleur, cet opus m’aura demandé un travail considérable — la base de maquette avait été préparée par mon adjoint Mérédith, tâche déjà formidable, et j’ai ensuite passé plus d’un mois à trimer sur les bonnes images, les bons placements, en atteignant finalement les limites de l’iconographie que je pouvais posséder. À l’instar du précédent Lupin dans le même format, je crois que l’on a là une somme inédite, bien renouvelée dans le regard qu’elle peut donner sur une telle figure de mythe.

#5086

Sous le séquoia après la pluie il pleut encore, de toutes les gouttes retenues au bout des aiguilles. À l’entrée d’une prairie, un étrange masque extraterrestre éclaté au sol en larges fragments écailleux et fongiques : un nid de frelons décroché par la tempête. Au coude d’un autre pré, un nouveau semis de coulemelles, tels des parapluies en bois plantés dans l’herbe.

#5085

Ce fut une très belle apocalypse. La soirée à la bougie, la tempête hurlant et griffant, puis au matin un orage lâchant son armée de motards et un déluge de pluie. Derrière la maison a soudain levé un escadron de coulemelles drues et hautes, mais surtout un autre géant s’est effondré. Après le cyprès d’il y a deux ans, c’est l’un des trois frères mélèzes qui, fendu en deux, a répandu branches et écorces au sol. Immense tristesse. La mare pour sa part est enfin réapparue.

#5084

Un froissement ample et soudain, qui lève un frisson, et la pluie s’abat. Avec elle tombe la lumière et les prairies s’éteignent, lavées de leur éclat. Derrière la maison, les arbres deviennent de noires silhouettes. Les ors fanés de Champignac brillent dans le soir.