#2298

Devant me rendre dans un coin lointain de la Croix-Rousse pour une réunion officielle (A.G. d’une agence culturelle qui vient de découvrir qu’elle a un trou de 813 000 euros dans ses caisses : long rire nerveux), j’en ai profité pour effectuer de très longues balades urbaines, à l’aller comme au retour. Je me rends bien compte qu’avec les années, je suis devenu fort casanier. Autrefois, dans mon jeune temps, j’étais continuellement rendu en centre ville et, cette fois, je me suis amusé à revisiter quelques parcours qui m’étaient très familiers à différentes époques. Les alentours de la Martinière, un quartier où j’ai toujours eu envie d’habiter ; le quai au-dessus duquel logeait mon ami Werner ; etc. Ai notamment emprunté un passage  voûté très long, une sorte de couloir sous des immeubles anciens ; passage que, curieusement, j’ai intégré depuis longtemps à mon « paysage onirique » — mais que dans mes rêves de villes, je situe à Bordeaux. D’ailleurs, je ne rêve jamais d’une ville qui se nommerait Lyon, ce doit trop être mon réel. J’ai vu avec grand intérêt l’autre jour, sur le blog d’Alex Nikolavitch, que lui aussi visitait en songes des villes récurrentes, plus ou moins identiques à elles-mêmes d’un rêve à l’autre. Lorsque je fais de tels songes, il m’arrive même de me souvenir d’anciens rêves comme si c’était ma vie dans le passé — une sorte d’univers parallèle, où j’aurai notamment vécu étant étudiant dans un immeuble en fond de cour très différent de celui où je loge à Lyon, mais ne ressemblant pas non plus du tout à l’immeuble, un ancien bordel, (enfin, « ancien », c’est vite dit) près de Mériadeck, où je logeais effectivement pendant mes années estudiantines.

En rentrant, je suis passé devant une boulangerie curieusement nommée « Boulangerie contemporainE » (avec le grand E final), et comme je passais devant, la vendeuse demanda à un client: « Et si on coupe les pieds ? ». Un peu plus loin, d’une épicerie arabe un grand gaillard basané sortait avec dans la pogne une canne à pêche. People are strange.

#2297

Lectures amicales. Au sein du flot des livres, ceux des amis ont forcément une importance toute particulière, une singularité qui me conduit même à lire des thèmes, des styles, que sans doute je n’aborderais guère sinon. Je ne sais plus si j’avais exprimé ici l’admiration et le plaisir que j’avais eu à lire, sur manuscrit, le prochain roman de Xavier Mauméjean? Je n’en connais pas le titre définitif et il ne semble pas encore être annoncé, mais mazette, mes amis, quelle belle claque. Guettez-le.

Et du même je viens de lire un roman jeunesse, L’Ami de toujours. Je l’avais d’ailleurs commencé je ne sais plus quand, et abandonné je ne sais pourquoi non plus, mais ça m’arrive très souvent — d’autres choses à lire d’urgence pour tel ou tel travail, ou bien encore, pas d’humeur, allez savoir. J’en gardais pourtant une curiosité, l’envie de connaître la suite. J’ai tout relu, c’est court et fluide, et aimé bien sûr. Et pourtant: c’est dur, froid, je n’irai pas naturellement vers une telle fiction. D’autant que ça s’adresse ouvertement aux jeunes geeks, en plein dans leur culture — univers secondaire, boîte de prod, États-Unis, etc. Mais l’intrigue accroche bien, cet ami imaginaire qui soudain est là, dans le réel, menaçant, trop beau, trop sûr de lui — et que se passait-il alors, pendant leur enfance? Étrange, tendu et inclassable, un peu à l’image du Camelot de Fabrice Colin, paru il y a déjà quelques années. Non que les intrigues soient semblables mais une certaine ambiance, un malaise… Je me demande vaguement ce que donnent de tels livres, commercialement parlant, mais pour le lecteur que je suis ce sont de beaux moments.

Juste avant, j’ai lu Infiltrés de Laurent Queyssi, un autre roman jeunesse, ou plutôt, c’est ainsi que les éditeurs français disent en ce moment: « young adult ». Je me souviens d’un débat il y a longtemps, dans un salon, où je m’étais fait apostropher par un lecteur qui trouvait qu’il était absurde de prévoir des livres pour les « jeunes adultes », puisque ceux-ci lisaient tout bonnement les livres pour les adultes. J’ai dans l’idée que ce lecteur avait raison, mais allez savoir: après les Américains, depuis longtemps, voici que les Français découvrent cette étiquette éditoriale. Et puis, cela permet l’éclosion de romans qui n’existeraient pas chez les éditeurs « adultes », c’est certain. Bref, l’ami Queyssi de livrer un espionnage, comme il les aime, mais avec un djeun’s en fauteuil roulant comme protagoniste. Là aussi le ton est plutôt froid (genre oblige), la langue simple (public oblige?), mais en revanche c’est bien « fun », très enlevé. Je ne suis pas du tout fan d’espionnage, mais ça m’a amusé.

Et puis maintenant je lis le recueil de nouvelles de Michel Pagel, La Vie a ses rêves, avec des textes dont je me souvenais un peu, d’autres que je découvre, et toute la palette du talent de cet auteur, dont le style tranquillement lyrique me plaît toujours autant : Pagel a toujours eu une vraie « voix ».

#2295

Une très belle chronique de Rêves de Gloire sur le blog de mon vieux camarade Philippe… Et puisque le Bird cite un de mes emails, je vais m’en auto-citer un autre: « j’ai adoré, réellement adoré. je n’y connais rien non plus, historiquement, mais m’en foutais: je connais Roland, c’était son univers, c’est tout, et que ma connaissance de la réalité ne se distingue guère de cette uchronie faisait, pour moi, partie du jeu. j’ai trouvé ça absolument captivant et touchant et… immergeant, si j’ose dire. quelques temps auparavant j’avais relu d’un bloc toute la série des Futurs mystères de Paris, avec un intense plaisir, et Rêves de Gloire prolongeait avec bonheur ma redécouverte de Roland. tu sais, ça a même été au point où j’ai dans la foulée du roman lu l’énorme bio de Camus par Todd, afin d’en quelque sorte prolonger cela. ça m’a éclairci sur pas mal de points historiques, mais je continue à mélanger avec allégresse uchronie et réel. »

Conseillé par le même « Crazy Bird » et sous l’influence aussi de Roland, forcément, je me suis fait offrir pour mon anniv une petite platine. et je réécoute donc certains de mes vieux LP, genre par exemple les Original Mirrors que j’avais justement évoqués avec Roland il y a quelques mois. C’est typiquement des eighties mais sans doute ancêtre du « shoegazing », en écoutant Good Shoes j’avais pensé à eux. Réécouté encore d’autres vieilles choses, par exemple les über-babas de Quintessence, finalement pas très éloignés des groupes actuels Fleet Foxes ou Astra. Des musiques de films d’Ennio Morricone, terriblement datées… Mais reste quelques tonnes de LP chez mes parents, au grenier, il faudra que j’en rapporte encore d’autres.

Un des plaisirs de l’édition sur papier, c’est justement… le papier. Genre, le bouffant un peu jaune utilisé dans les nouveaux « Bibliothèque rouge », que l’ai choisi à la fois pour sa main, sa texture épaisse et sa teinte. Ou le bouffant blanc utilisé dans les nouveaux « Bibliothèque voltaïque », incroyablement léger et d’une main équivalente à un papier plus lourd. Mais un papier auquel je pensais depuis très, très longtemps (bien deux ans) c’était le papier Keaykolour Rayé couleur lin, une carte cannelée (ou rainurée, utilisez le terme que vous voulez) dont j’ai enfin trouvé l’usage, pour les couvertures de Fiction désormais. Je viens d’en voir un premier exemplaire pour le tome 15, et c’est suuuperbe.