#2726

Très longue et passionnante interview de Roland issue d’un fanzine de rock. À un moment il y dit : « Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick par exemple. L’état de fait, c’est que la côte ouest est occupée par les Japonais et la côte est par les Allemands. Au milieu, il y a les États des Rocheuses, ce qui subsiste des États-Unis. Dick était plutôt germanophile – il n’avait pas de sympathie pour les nazis – mais il était capable de montrer des Allemands sympathiques, ou en tout cas humains. Et pareil pour les Japonais. Dans le bouquin, tu as un mec qui écrit une uchronie sur un monde où les Alliés ont gagné la guerre, mais qui n’est pas le nôtre non plus. Tu as la mise en abyme dickienne. Quand Camus dit qu’il écrit une uchronie sur la guerre d’Algérie, en fait c’est un clin d’œil au bouquin de Dick. L’idée de Dick, c’est qu’à la fin on ne sache plus quel monde est le vrai. Ce qui l’intéresse, c’est de te faire douter de la réalité. »

Douter du réel, c’est ce que j’avais fait, lorsque j’ai lu Rêves de Gloire : n’ayant pas envie de « sortir » de ce formidable roman, je m’étais enquillée derrière la lecture de l’énorme bio d’Albert Camus par Olivier Todd, que mon fils avait lu un peu avant et m’avait recommandée. Bio avec laquelle Roland a bossé, s’avère-t-il. Et dans ma tête les motifs de l’uchronie de Wagner et de la réalité historique de Camus se sont un peu mêlés, plus ou moins sciemment.

Et Roland d’ajouter : « à la fin, quand j’étais dans le bouquin, je ne savais plus du tout où était la réalité et l’histoire. J’étais tellement immergé… Je n’en étais pas encore au point de chercher des disques de Dieudonné Laviolette dans les brocantes, mais pas loin. C’était devenu comme une espèce de réalité. Comme le but c’était de faire que le lecteur s’immerge dedans, c’était pas plus mal. Le tout c’est de ne pas se noyer. »

#2725

L’autre soir j’ai réécouté les deux LP des Original Mirrors, dont Roland parle dans l’une des interviews. Je les ai conservés et je les aime toujours, il y a relativement peu de pop-rock des eighties que je supporte encore, mais eux oui, leur mélange curieux de punk, de rockabilly, de sautillement, de froideur, de sonorités acides…

Et puis tout à l’heure, retapant les souvenirs musicaux de Roland, je repensais aux quelques fois où j’ai vu Brain Damage — pas souvent, en fait, juste trois fois me semble-t-il. J’ai le souvenir d’une répète dans un affreux local aux murs couverts de contreplaqué, un jour pluvieux ; je me souviens d’un concert dans une petite salle de banlieue, un bar je ne sais où, un soir ; et puis le concert de clôture de la convention de Paris, à la Mutu, très pro. Mémoire également de Roland me mettant un enregistrement tout nouveau dans le lecteur cassette de la voiture, « La ténèbre », superbe, et lui si content, si fier.

C’est un voyage down memory lane, ce travail d’archives pour le prochain Yellow Submarine. Pas que du triste, loin de là : du tendre, du drôle, du joyeux, on en a fait des délires dans des fanzines, prodigieux ce que nous pouvions être productifs. T’was fun.

#2724

J’ai encore rêvé de Roland, cette nuit. Ça m’arrive très souvent et je ne m’en plains pas, voir un peu mon vieux copain est agréable — et sans doute inévitable en ce moment que je travaille presque chaque jour sur ses archives. Le dossier du prochain Yellow Submarine est en cours, ma stagiaire du moment termine ce soir et a énormément avancé sur les OCR (scannage et reconnaissance de textes), je corrige et je mets en page des pages et des pages d’entretiens, notamment. Bon, en me levant j’ai décidé qu’il était grand temps que je relise Le Chant du cosmos. Longtemps que je n’ai pas été voir du côté de l’onduleur d’espace. Et oui mon grand, j’adore toujours les bouquins dédicacés par les copains.