#2817

1983. J’étais étudiant en « métiers du livre », à Bordeaux, et je commençais tout juste à me découvrir un goût pour l’art et le design. Un cours d’histoire de l’art à l’IUT, une expo Turner aux Beaux-arts, une expo Sonia Delaunay je ne sais plus où, l’ouverture du CAPC… Et puis en novembre de cette année-là, une copine me convainc d’aller aux Arts déco voir une expo sur une nouvelle école de design, plutôt italienne (Milan !) mais incorporant deux Bordelaises, oooh. Et puis quoi, un design pour nos années 80, une esthétique pour notre décennie ? Ça me parlait. Ce fut donc l’expo Memphis. Des meubles et objets robustes, épais, colorés, des formes franchement différentes de ce qui s’était fait dans les années 70. Enfant de la ville nouvelle (Cergy-Pontoise), j’étais déjà fort intéressé par l’architecture et l’urbanisme, mais le design c’était très neuf pour moi. Ai-je aimé Memphis ? Je crois bien que non, pas réellement – pourtant, et en tout cas, on se mit à voir cette esthétique partout, sur les pochettes de disques par exemple, ou dans certaines bédés (les silhouettes triangulaires de Serge Clerc), et son application à l’architecture m’enthousiasmait : Number One Poultry, la maison de Jane Porter-Street, The Circle et Butler’s Wharf à Londres, notamment… Je n’apprécie guère les années 80, rétrospectivement, et très banal en cela j’aime le « vintage » 50-60 – je crois bien n’avoir que deux objets en design Eighties, un téléphone et une bouilloire. Enfin, le cercle se boucle et je reviens de la nouvelle expo Memphis aux Arts déco de Bordeaux, trente-six ans plus tard, un peu songeur.

#2816

Ooooh ce fut un peu rude, aujourd’hui (plaignez-moi) : passé toute la journée sur des tableaux pour notre nouveau diffuseur — je hais Excel… Et dehors non seulement il faisait 33° mais, en fin de journée, une andouille écoutait du Justin Bieber à fond les ballons… Enfin, le soir venu, un coup de fil de mon fils-à-moi-que-j’ai et une discussion Messenger à bâton rompu avec une amie, et tout va déjà mieux… Les grillons stridulent calmement et j’ai récolté dix-sept figues mûres quand il faisait encore jour…

#2815

Attendant un bus, tout à l’heure, je me suis mis à penser à l’océan. Il y avait du vent, de cette bousculade fraîche qui balaye souvent Bordeaux et qui, avec la pluie, la sauve encore de l’irrespirable. Je me suis souvenu qu’à Lyon, l’été, les fois trop rares où il y avait une telle brise je pensais à l’océan : souvenirs et impressions d’enfance, quand nous allions passer la période estivale à Saint-Brévin, sur l’estuaire de la Loire, et que bien souvent le vent marin nous empêchait d’aller à la plage. Et puis levant le regard, J’ai réalisé qu’un élément supplémentaire m’avait amené l’esprit à la grande eau : remplaçant la toiture d’une des maisons basses, en réfection, l’on avait installé de grandes bâches, qui claquaient et faseyaient comme une voile.

#2814

Sans doute cela me manquait-il le plus, lorsque je vivais à Lyon : la vision du ciel, car là-bas les rues sont de profonds canyons et l’on ne lève guère le nez vers le paysage nuageux ; d’ailleurs il y pleut assez peu, ai-je toujours trouvé. Je m’asseyais souvent à la fenêtre de la cuisine, pour malgré tout saisir un peu de ciel, comme une respiration. À Bordeaux, ville basse, j’ai retrouvé enfin ce lien constant avec le grand spectacle de la météo, et parfois, de mon jardinet, je me surprends à contempler les nuées comme on le ferait d’un tableau, admirant le touché du pinceau et la nuance des tons, je bade au firmament, béat de ce qu’ici il fasse beau… plusieurs fois par jour, si j’ose dire.

#2813

C’est l’heure où la cheminée se détache en rose-doré sur l’azur pâlissant, où ce dernier semble poudreux, où l’ombre monte de sous les buissons, où les arbres murmurent, où une brise caresse, où s’agitent les longs bras du micocoulier, où le figuier frotte ses mains, où la maison s’emplit de pénombre et le grand ciel de clarté.