#2850

Qu’ai-je lu, cette année ? La question peut surprendre, mais c’est que je lis tant et tant que, tout à l’heure, le fier bilan d’une blogueuse m’a fait rire : quarante bouquins, eh bien, comment dire ? Il doit s’agir de mes lectures en un trimestre, dirai-je. Non que je compte, d’ailleurs, ni que je me souvienne exactement : je dévore ou je picore, les livres succèdent aux livres et, sans qu’ils s’effacent, ma mémoire immédiate ne laisse surnager que quelques titres… Ainsi et en désordre, je me souviens du dernier Modiano, Encre sympathique, toujours aussi empli de nostalgie ; des puissantes nouvelles de Ian R. MacLeod dans Red Snow ; de la relecture de deux Pierre Véry pour la jeunesse ; de celle des quatre utopies, dont il se trouve par un certain bonheur que je vais bien en être l’éditeur un jour ou l’autre ; des mémoires d’Armistead Maupin, touchantes ; d’une soixantaine de Maigret relus l’été dernier ; du dernier Fantômette que je n’avais pas encore lu ; de pas mal de Dylan Dog et d’un monceau de Batman ; de belles SF récentes par Paul McAuley et par Adam Roberts, teintées de polar ; d’un David Mitchell renversant, Slade House ; de quelques Harry Dickson de Jean Ray, parce qu’il faut y revenir régulièrement ; dans ce sujet, des deux albums étranges de David B. ; de Rain de Melissa Harrison, deuxième lecture de ces trois promenades sous la pluie anglaise ; du formidable et tout récent Tif & Tondu par Blutch et son frangin ; des douloureuses nouvelles de Ben Okri dans Prayer for the Living… Pour ne rien dire des lectures « pro », également nombreuses (plus que jamais, en fait, avec le flot de polars fantastiques de Maurice Limat réédités chez Rayon Vert) et souvent excitantes (je sors par exemple du prochain Nikolavitch et j’alterne entre le troisième Texier et un vieux Limat de derrière les fagots) ; ni des séries, lectures de type feuilleton auxquelles l’on revient donc régulièrement (Benedict Jacka, Christopher Fowler, Genevieve Cogman, Theodora Goss, Eric Brown, Ian Rankin…). Et après on s’étonne que je ne prends pas le temps de regarder des images qui bougent, m’enfin quoi.

#2849

Je ne suis jamais parvenu à rédiger un texte complet sur l’anniversaire campagnard des Moutons électriques, en septembre dernier — ce fut quelques jours tellement intenses, adorables, tendres, drôles, j’en conserve tant d’émotions et de couleurs, que coucher tout cela sur le papier, fut-il virtuel, demanderait trop d’efforts… Tout juste ai-je gardé cette introduction :

La maison toute de brique parée ressemble à celle d’un garde-barrière et même les quelques granges pourraient constituer autant de hangars ferroviaires mais le train se trouve bien plus loin, on l’entend passer, seul son souffle s’approche. La maison s’élève en bordure d’un bois, au centre d’un terrain verdoyant, gonflé d’une humidité d’autant plus rafraîchissante que le pays blondi encore des effets de la canicule estivale. Il y a des étangs non loin, et de l’autre côté de la route quelques vaches qui broutent l’herbe si verte et si drue. La maison possède également quelque chose d’un Tardis, passée la petite cuisine elle s’avère tellement plus grande que vue de l’extérieur.

Quoiqu’il en soit : un souvenir doré. Ce fut beau et chouette, ces 15 ans, tous ces ami.e.s, mon fils, ma cousine, les chats, le feu de bois, les bons plats, le feu d’artifice, la nuit sous la tente, le chemin de petites lumières, le 15 doré tournoyant dans l’arbre…

#2848

Plus d’une centaine de kilomètres-heure, les rafales de vent sur Bordeaux, ça gronde et siffle depuis hier soir, avec les gifles grises de la pluie… Et une autre tempête vient de décrocher l’archipel britannique, quelle tristesse. J’avais déjà dit il y a quelques semaines que je pensais ne pas revenir à Londres avant quelques années, et me concentrer sur la fiction de ma ville favorite for the time being, ça se confirme donc, et peut-être aurai-je en revanche l’occasion de retrouver l’Écosse après son indépendance… Bon, je sais pas si vous avez remarqué mais c’est bientôt Noël, et je ne sais pas si, pris en otage par le gouvernement, je ne vais pas le passer seul à Bordeaux faute de pouvoir rejoindre la Touraine de mes parents, on verra bien, en tout cas et si je puis me permettre un brin d’auto-pub, la mise en place et le taux de réassort de mon petit London Noir font partie des très bonnes surprises offertes par le nouveau diffuseur des Moutons électriques et je ne peux que vous suggérer l’achat de cet opuscule ô combien peaufiné, produit ultime de mon obsession pour la métropole britannique…

#2847

À écouter la pluie tambouriner sur le vasistas de la chambre, je me dis qu’il est curieux que les comics n’évoquent jamais les bronchites que chope Batman à sortir chaque nuit par tous les temps ; les gros rhumes du jeune Robin ; ou les angines de Batgirl… et n’évoquons même pas cette pauvre Black Canary avec ses bas résilles, brr !

#2846

L’une des meilleures librairies que je connaisse se situe dans une gare. Cela peut sembler étonnant car, en France, les librairies de gare sont devenues ces choses tristes et purement commerciales que sont les Relay ; presse, best-sellers et barres chocolatées. Mais celle-ci se trouve à Londres, dans la gare de St Pancras. Tout d’abord nommée Hatchards (la grande librairie indépendante de Piccadilly, plus ancienne de la capitale britannique), elle devint ensuite un Foyles (la grande librairie indépendante de Charing Cross Road), toujours aussi minuscule, sans rien perdre de son caractère et de sa qualité. Elle se situait à côté des arches de brique de l’entrée niveau métro — maintenant elle s’est agrandie et a migré à l’autre bout de la galerie, mais elle est toujours aussi recommandable. C’est sur une table de cette boutique qu’un jour j’ai remarqué un livre intitulé Weeds — un livre sur les mauvaises herbes ? Ce fut mon premier doigt dans l’engrenage du « nature writing » à l’anglaise, ce genre littéraire singulier entre l’essai, la psychogéographie et la poésie en prose — de la poésie en prise (avec le réel). Lors de mon dernier séjour, il y a quelques semaines, mon dernier achat fut encore dans cette librairie, un essai sur les parkings de supermarchés — et le libraire en caisse de me dire son enthousiasme pour cet ouvrage. Il avait raison, et j’entame un autre du même auteur sur les marais de Londres. Ce sont mes lectures de calme, de retrait, mes déambulations immobiles.