#2892

Sous le ciel que soutient la haute muraille, ce minuscule jardin figure bien les « confins du banal et du magique » que célébrait Jacques Réda. Une paix bourdonnante d’insectes invisibles, couvée par les roucoulements des pigeons. Un morceau de temps confiné où frissonnent troènes, micocoulier, fuchsia, abutilon, lauriers et figuiers. L’océan si proche que l’on devine dans les courants d’air et sur le sable fin des façades impose sa lumière et ses humeurs, nuées fumeuses et azurs éclatants en succession rapide. Vers le soir, en ce début de printemps, le ciel s’ouvrira telle une fenêtre, éclatant et précis comme du verre. Un moment, une heure peut-être, tout sera plus net, une respiration dorée. Puis le bleu tombera, engourdissant la terrasse et but par le désordre végétal, jusqu’à ce que monte une grisaille de la terre, qui troublera d’ombre le jardin alors qu’au-dessus, le visage de la résidence prendra une dimension théâtrale, en angles roses d’une netteté d’autant plus frappante qu’au sol tout se nouera de noirceur. Après le passage à l’outremer, ce sera la nuit et cette lune piquante, si froide, qui aplanira tout d’argent.

#2891

Jour 8 de cette exploration de bibliothèques… Nouvelles encore : lu ou relu aussi Sylvia Townsend Warner. Autrice maintenant un rien désuète et cela fait partie de son charme discret, au parfum si anglais et si subtilement poignant. Peu traduite je crois. Sinon à l’autre extrémité de ce cliché, une autre grande dame, américaine pour sa part, James Tiptree Jr. Pas désuète elle, puissante science-fiction. Hasard de l’alphabet, juste à côté une autre femme qui écrivait sous un pseudo masculin, Julia Verlanger alias Gilles Thomas, écrivain populaire, pas relue depuis fort longtemps. Et un gay québécois, Michel Tremblay, pas relu non plus, depuis plus longtemps encore. Quel mélange que cet alphabet.