#5057

À la faveur (?) d’une insomnie avant-hier, j’ai encore redigé sur téléphone un chapitre de mon roman, un passage souterrain de 4000 signes. C’est égal, il ne me parait pas banal d’écrire une telle proportion d’un roman sur le bloc-notes d’un iPhone – mais je saisi les opportunités et inspirations lorsqu’elles se présentent. Le caractère « choral » et donc assez morcelé d’un tel projet s’y prête fort heureusement : je viens de débuter un tableur des chapitres pour ne pas m’y perdre.

#5056

« Des trains qui ont des longueurs d’instants de cafard »… Je lis ou relis beaucoup de Léon Paul Fargue en ce moment, l’un de mes poètes favoris. Il ne cesse de me renverser par ses comparaisons et métaphores lunaires, inattendues, souvent cocasses, cette langue d’une admirable souplesse. Et je m’amuse de son obsession pour les trains, les gares, les rails, qui rejoint si bien mon quotidien, même si ce soir pour une fois j’ai choisi de faire sonner une galette de musique mélancolique plutôt que de me contenter du chant de la voie ferrée. « Un quartier de locomotives et de poètes », souhaitait Fargue. « Jaillis des rails luisants comme un halage de larmes. »

#5055

La mémoire. À travers la fenêtre de l’auto, filant comme un film un peu romantique, recevoir les coups des pins à perte de vue, puis des sous-bois d’aiguilles et d’arbousiers, au retour ceux du fleuve qui brasse, et entre les deux l’argenterie bleutée de l’océan, les verticales noires plantées dans les vagues, les bandes brillantes des eaux entre les bancs de sable, le goût salé des salicornes, les étoiles vertes de la soude ligneuses, le phare pointant rouge au-dessus des pins, les rubans d’algues au ras des vaguelettes, au loin le long éclat doré de la dune du Pilat qui semble exsuder son propre soleil sous le temps gris… Tout l’alphabet du littoral, que je connais si peu en fait. Laisser faire la percolation de tout cela, avec le ciel du jeudi soir au-dessus de la Meca et le jardin de mon parrain qui hier soir fondait dans un bleu frileux et rêche.

#5054

Ayant étouffé cette nuit, c’est les yeux encore cramés et la cervelle floue que je suis sorti ce matin à la presque fraîche, oubliant carte de bus et téléphone. Suis allé voter puis dans la même trajectoire ai gagné marché et brocante, avec une jolie cueillette à cette dernière : un Fargue, deux Cocteau, un Genevoix et un lot de petits polars anciens. Rentré titubant sans rien regarder des colliers de fenêtres du cours, de la longue meringue de la gare ou du vilain visage de légume de l’immeuble qui lui fait face. Rejoint les chattes épastrouillées pour une sieste nécessaire. Il faudrait travailler, un peu, avant une grosse semaine de séminaire ovin.

#5053

Chaque année j’hésite et chaque année je plante finalement quelques pieds de tomate dans un pot ou un autre : pas tant pour une récolte infime et aléatoire que pour le plaisir d’une verdure aussi vive, leur pousse drue et rapide, et cette senteur dès qu’on les frôle, hum cette senteur, également si vive et si verte.