#5076

Tiens, je viens de réaliser que j’ai débuté le cycle de Bodichiev il y a exactement 20 ans. Et je fête cela avec deux bonnes nouvelles : le petit roman Les Trois cœurs qui arrive la semaine prochaine chez Koikalit, mon éditeur, avec un bon mois d’avance ; et quelqu’un de chez Folio qui m’informe que le « best of » va sortir chez eux au printemps prochain. Jolie petite revanche sur le mauvais sort éditorial qui, après une première parution au sommaire de la prestigieuse anthologie Escales sur l’horizon de Serge Lehman, vit les autres nouvelles rejetées par tous les éditeurs — « c’est des nouvelles, c’est trop polar et pas assez SF, c’est trop SF et pas assez polar », j’en ai entendu des rengaines. Jusqu’à ce qu’enfin, quand je ne m’y attendais plus et que j’avais cessé d‘en écrire, mon ami Melchior me proposa de sortir cela dans sa collection « Saisons de l’étrange ». Nous fîmes ainsi deux recueil des nouvelles anciennes et un court roman finalisant un synopsis non moins ancien, puis le goût de Bodichiev m’ayant repris, j’eus envie de continuer — et un autre micro-éditeur vint à ma rescousse, en la personne de maître Christian Robin. Et me voici donc en route pour la dizaine, ce qui je crois est inédit pour un cycle d’uchronie, au sein de la science-fiction française. Le sixième arrive donc sous peu, le septième est en cours de relecture, le huitième sera la compil en poche, j’écris actuellement un grrros neuvième… mais pour le dixième en revanche, je crains que l’on attende : Voyages d’un détective à vapeur a déjà deux nouvelles d’écrites (une sera dans la compil d’ailleurs) ainsi que son introduction, mais pour le reste… il faudrait que je voyage. J’en ai certes débutée une à Bruxelles, mais j’aurais aimé y retourner, une à Bordeaux était envisagée, mais un recueil faisant 6 ou 7 nouvelles il faudrait tout de même que je bouges un peu. Je rêvais de me rendre un jour à Odessa, c’est devenu chose impossible – on verra alors, car je préfère m’inspirer de lieux réels, la nouvelle à Dubrovnik était vraiment une exception. En cela, la longue latence de ce cycle l’aura servi : j’ai un peu mûri dans mon écriture, dans ma culture aussi, et nourri le tout de beaucoup d’autobiographie – Bodichiev étant de plus en plus moi, bien sûr, et Viat pas mal inspiré de mon fils, mais cela va plus loin, en termes de détails, de citations, d’anecdotes. Bodichiev a 20 ans : il est encore jeune.

#5075

Devant l’autobus, ralentissant son parcours, filaient trois enfants en vélo à une allure de petits marcassins. À l’arrêt suivant, monta un beur en verres miroirs qui serrait un ukulélé sur sa bedaine. Au jardin mûrissaient les premières figues.

#5074

« Flâner dans une bibliothèque, ouvrir un livre au hasard, déboucher au tournant d’une page sur une phrase qui m’enchante ; relire un auteur qui a été le compagnon de la jeunesse ; avoir la joie de le trouver neuf, et intacte mon émotion… »

Ces quelques lignes de Maurois résument un peu mon état actuel de picorage dans des livres, me fixant peu — quoique tout de même j’ai lu avec plaisir le prochain Mauméjean, curieusement tendre et rugueux à la fois, et déjà deux Varesi, le nouveau Simenon italien. Mais sinon, tarabusté par le fait que j’écrive moi-même, ou que lorsque je n’écris pas j’y réfléchisse, je décante, puisqu’un livre est « le durcissement d’un moment de la pensée » (Maurois encore), je passe d’un bouquin à un autre sans trop savoir ce que je veux, nervosité pénible qui est le contraire de s’enfoncer avec confort dans un plaisir de lecture. Follain, Modiano, Fargue, Perec, Gracq, Cocteau, Maurois, je ne me décide pas.

#5073

Ah, pétard de sort. Cette nuit, allant m’endormir enfin, j’eus une scène qui me trotta en tête, un élément d’explication parfait pour mon roman. Ce matin, en revenant du marché l’air frais m’ayant mis en forme, j’écrivis quelques fragments, j’ajoutai quelques phrases à des scènes un peu trop courtes ; j’étais content, bien parti. Et puis le boulot, une relecture de maquette qui mangea toute la journée, sans que je puisse écrire encore. Ce soir soudain me revient que j’avais trouvé quelque chose – et je me creuse maintenant la cervelle pour retrouver le fil nocturne… j’en ai un bout, mais pas encore tout…

#5072

Un souffle de vent et subitement tombe du châtaignier une pluie de feuilles mortes, qui craquent et bruissent avec un murmure sec. Un épervier tourne au-dessus des vieux chênes. Des pies se disputent dans le bosquet d’acacias rendu impénétrable par les orties. La chaleur monte doucement sur un coin de campagne immobile.