Chaque fois que je lis un Modiano, et là je lis son dernier en date (Encre sympathique), cela me fait le même effet : je songes à toutes ces personnes que l’on croise dans une existence, tous ces amis d’un moment qui curieusement s’espacent et s’effacent, ces familiers qui s’éloignent, ces amitiés qui auraient pu être et ces visages qui s’estompent. Cette fille qui tenait à sortir avec moi et dont je ne sais plus que le prénom, Agnès. Ce garçon que j’ai tant aimé pour seulement une poignée de mois, car il ne faisait que passer, Werner. Cette copine de l’époque de la fac, peintre en lettres, Françoise. Tant et tant de monde. C’est encore plus mystérieux que les gens que l’on croise dans la rue et que parfois l’on admire, sur lesquels il m’arrive de m’interroger : ceux que l’on connait et que l’on fréquente un peu dans la vie — et puis qui filent sans nous.
Archives de catégorie : Lectures
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« Oh j’adore Untel », dit le lecteur, mais l’untel change au fil du temps, le goût littéraire se forme par accrétions, découvertes, oublis, retours, souvenirs… Étant jeune sans doute aurai-je dit que mes auteurs favoris étaient Tolkien (lu le Seigneur des Anneaux sept fois étant môme, mais je n’y arrive plus), Simak, Dick, Sturgeon, Leiber, Moorcock… Puis j’aurai certainement cité John Brunner et Michel Jeury, mais aussi Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay, Pierre Pelot, Élisabeth Vonarburg, Michel Grimaud, Cordwainer Smith, Michael Coney, Elizabeth Goudge, PG Wodehouse et Ross MacDonald… De tous temps, Franquin, Tillieux, Greg, Macherot, Bottaro, Barks, Georges Chaulet (les Fantômette), Rex Stout (les Nero Wolfe) et Agatha Christie… Roland C. Wagner et Michel Pagel, bien sûr… Puis plus récemment, ce furent Charles de Lint et Neil Gaiman (mon goût pour la fantasy urbaine), Dorothy Sayers et Margery Allingham (mon goût pour le polar british golden age), les polardeux oubliés Jacques Ouvard, Jacques Decrest, ECR Lorac et Nicholas Blake, les modernes Henri Calet, Francis Carco et Eugène Dabit, les british Iain Banks et Jonathan Coe… Aujourd’hui, qui citer comme ces piliers auxquels revenir sans cesse ? Isherwood, Flaubert, Giono, Simenon, Gracq, Modiano, Murakami, mais aussi Jane Austen, Christopher Priest, Tove Jansson, David Lodge, Armistead Maupin, China Miéville, Michael Chabon, Ellen Kushner, Christopher Fowler (la série des Bryant & May), Ben Aaronovitch, Jasper Fford, les Lupin de Lebanc et les Holmes de Doyle forcément, en poésie Léon-Paul Fargue, Jacques Réda et Philippe Jaccottet, en nature writing Robert MacFarlarne et Richard Mabey… Et des phares, ces livres monuments relus régulièrement : Le Guépard de Lampedusa, Cent ans de solitude de Marquez, Le Grand-Maulne d’Alain-Fournier, Le Pays où l’on n’arrive jamais d’André Dhôtel, L’Iris de Suze de Giono, Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke, Tom et le jardin de minuit de Philippa Pearce, les Harry Potter nonobstant leur autrice, les Maigret de Simenon, Le Prisonnier de Zenda d’Anthony Hope, Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, The Crow Road de Iain Banks ou Encore heureux qu’on va vers l’été de Christiane Rochefort…
#2807
Simenon c’est l’écrivain de la météo : il ne cesse de décrire le temps, le ciel, et ce matin j’ai repris Maigret s’amuse, qui coïncidence assez idéalement avec cette période de vacances (ou du moins pour ce qui me concerne, de relâche partielle, disons). « Le ciel était du même bleu uni, l’atmosphère molle et chaude », oui c’est exactement cela ce matin. Je relis en ce moment les Maigret deuxième époque, ceux des années cinquante et soixante (ou s’y déroulant, puisque SImenon situe nommément les derniers en 1965 bien qu’il les ait écrits au début des années septante). Car il y a clairement deux Maigret : le premier est né vers 1887, il prend sa retraite en 1934, sa femme se prénomme Henriette, ils habitent place des Vosges, le brigadier Lucas meurt vers la fin, le gros Torrence a quitté le PJ pour fonder l’Agence O… Et le deuxième est né en 1912, il prend sa retraite vers 1967 ou 68, sa femme se prénomme Louise, ils habitent bien entendu boulevard Richard-Lenoir, Lucas est inspecteur tout comme Janvier et Lapointe… Dans son « Bibliothèque rouge », Jacques Baudou avait essayé de concilier les deux, mais finalement ça ne fonctionne pas, ou mal, si l’on examine un peu mieux les éléments de l’enquête… Pas encore relu le roman avec le troisième (!) Maigret, les Mémoires… Univers parallèles…
