#5020

Ce week-end, de vide-grenier en brocante, et alors que je pensais avoir été fort raisonnable, j’ai tout de même rapporté une vingtaine de bouquins — et dans ces acquisitions documentaires se trouvaient La Montée du soir de Michel Déon et Le Déclin du jour de Germaine Beaumont, deux beaux titres en écho, joli hasard.

#5019

Cinquième étage : on ne fait pas plus haut, en cette ville, c’est déjà un sommet. Les bureaux de l’ancienne firme Maigret, ça ne s’invente pas. La spirale d’air transparent de l’escalier tournoie de plancher vernis en palier de pierre blanche. Au-dessus du lacis des tramways et des piétons affairés, loin de l’ordinaire des pavés sombres, l’on pénètre dans la quiétude fraîche de l’étude. La vue se déploie un peu plus haut que les toits, plonge dans le secret d’une terrasse creusée en puits où l’ombre se rue, la ville étale sa nappe écailleuse de tuiles roses, chaque balcon semble un quai, des coins de ciel glissent bleutés jusqu’au plus proche clocher.

#5018

Le beau-livre que j’achève de mettre en page, Science-fiction !, utilise beaucoup la métaphore du voyage pour exprimer l’une des fonctions de cette littérature. Il s’agit d’un élément que nous avons saisi a postériori, en bâtissant ce grand puzzle d’articles et d’images. Et bien entendu, ça me parle, car du voyage, j’en manque terriblement. Ainsi, j’envisage, au-delà du « gros roman » que je débute, de consacrer sans doute, un jour, un dernier petit recueil à monsieur Bodichiev, qui s’intitulerait « Voyages d’un détective à vapeur ». Une seule nouvelle est déjà écrite (celle juste parue dans le troisième Fiction l’imaginaire radical), une autre est débutée, qui commence à Lisbonne mais qui devrait se conclure à Rome — et après beaucoup d’hésitations et de reports, il semblerait qu’effectivement j’aille à Rome une petite semaine fin avril. Une éternité que j’ai envie d’y retourner. Dans d’autres textes, c’est tristement ironique, j’ai envoyé Bodichiev en voyage à Kiev et à Odessa — las, jamais je n’irai, comme c’est parti. Vu les régimes tyranniques et homophobes de ces pays j’avais déjà fait une croix sur Saint-Pétersbourg, Istanbul ou Budapest, j’espérais encore me rendre un jour à la belle Odessa… Le monde se referme. En dépit du Brexit j’aimerai bien retourner à Londres et en Écosse, j’y songes souvent.

#5017

Indiscutablement, c’est le printemps. Pas tant parce qu’hier l’équinoxe figurait au calendrier, et certes pas parce qu’il fait sortir les concierges de leur loge, comme l’écrivait Germaine Beaumont – puisqu’il n’y a plus de concierges. Le micocoulier n’a pas encore refait ses feuilles et c’est à peine si du lilas du Japon se déroule un peu de vert froissé. Mais cet air léger, cette douceur des journées, l’éclat doré du jour, les jonquilles et les muscari entre l’épaissit des feuilles d’iris, tout me dit le printemps. Et moins charmant, les roucoulements du gros chat blanc et blond qui tente de séduire ma chatte avec une persistance un rien timorée.

#5016

Marcher un moment en proche banlieue, par ces rues modestes de Bègles où le seul qualificatif raisonnable est le terme « petit » : petites maisons, petits jardins, petits immeubles, je chemine dans le calme d’artères molles sous un ciel de perle. Le roucoulement des pigeons et le parfum des clématites comme seule compagnie, des fleurs blanches en pompon qui dodelinent, le rouge des tulipes et des coquelicots, quelques chats, parfois une boîte à lire que l’on picore par curiosité. Une fin de week-end déjà, après avoir bûché encore sur d’excitantes perspectives. Curieuse sensation dominicale de rester immobile tout en cheminant, très lentement, jusqu’à ce que plaisamment fourbu je ne pense plus.