#5086

Marchant dans les prairies qui entourent le ventre vert de Champignac, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter de ma capacité à mener à bien la fin de ce roman. De me trouver littérairement à la hauteur, quand il s’agit d’agiter le petit théâtre de scènes d’action, de peur et de chaos. Alors je me promène sous le ciel de nuées longues et pesantes, étalées en rubans gris et boursouflures anthracite. Au sol, le vent, la chaleur et le fauchage ont laissé une paille grisaillante qui tournicote en vortex fibreux. Le pas en soulève de minuscules papillons blancs. Tout au bout du domaine, le couple de chevreuils s’est enfui en me montrant leur blanc toupet de queue.

#5085

La nature paraît calmée, se gonflant de cette humidité fragile, un peu de pluie appliquée comme un baume sur ses rousseurs. Au potager tout est gouttelettes. Dans le ciel gris monte une masse orageuse noire, occultant la direction de Bègles. Installé à la petite table devant les volets ouverts de ma chambre, je respire, j’entends les pies, j’écris – 620 000 signes au compteur.

#5083

Revenu à Champignac après cette quinzaine caniculaire et parti glaner mon petit-déjeuner dans les ronciers et les pruniers, je trouve le domaine très marqué par la chaleur. Dans les prés, seuls les parterres de menthe proposent encore du vert, les herbages sont en foin blond et les chardons réduits à des squelettes brûlés. La haie de marronniers, trouée et amaigrie, fait rousse mine. La mare asséchée grimace de caillasse. Sous un bosquet d’autres chardons, encore vaillants, le sol se recouvre d’un épais tapis blanchâtre, un duvet de graines à l’abri duquel crissent des grillons. Les mûres ne le sont guère, qui commencent à griller. L’allée de la propriété suivante se voile d’une brume de fumée, sous un ciel encore chargé de grisaille. Les pies se disputent des quignons de pain.

#5082

« Bombay tacos » cligne près de la gare une petite enseigne au cosmopolitisme échevelé. Le ciel pèse de ses nuées grises et rousses, se dégageant par déchirures lentes sur un bleuté encore tendre à cette heure matinale. Levé à 7h du matin pour partir en week-end à Champignac ; mission : la dernière partie de mon roman, pas la plus facile.