#5106

Réveillé cette nuit par l’âcre odeur d’incendie qui coulait par les fenêtres, j’ai le confus souvenir d’un cauchemar lié à cette fumée qui flottait dans l’air nocturne. Je ne me suis rendormi que longtemps plus tard, la tendinite de mon pied gauche en profitant pour pulser ses crispations douloureuses. Hier soir j’utilisais dans un échange avec une amie deux mots pour décrire mon état : « bancroche » (je vais encore passer le Festival Hypermondes avec des béquilles !) et « chafouin » (l’humeur).

#5104

La ville grondait, cette nuit. Un tonnerre au loin ou un train mal réveillé, je n’ai su le définir, occupé que j’étais à regarder la lune. Une belle lune bien ronde dans un ciel d’un bleu de soie, et je me demandais comment décrire ce gros bouton de nacre cousu sur un coussin : ma nouvelle en cours sera certainement une histoire de (plus ou moins) loups-garous, j’ai donc trouvé intéressant que le hasard m’offre la documentation nécessaire, si j’ose dire. Je vous rassure, il n’y avait nul hurlement dans les parages, seulement ce roulement percussif et bas qui grondait dans le lointain nocturne.

#5103

Eh bien ce sera un texte un peu long. Sans images commentées. J’ai un talon fêlé ou je ne sais quoi qui m’empêche de marcher et n’ai donc pas le courage de prendre en photo mes lectures (chercher les bouquins, les descendre, les ranger à nouveau, tout ça). Ah oui, parce qu’en cette fin d’été je prévoyais d’évoquer un peu ce que j’ai lu ces derniers mois — une époque en soi, pour moi, en particulier parce que je m’étais résolu à ne presque lire qu’en français, afin tout à la fois de me forcer à changer de braquet (métaphore bicyclette), à élargir ma curiosité, à m’éviter les anglicismes dans l’écriture que me reprochait mon relecteur sans pitié (Michel Pagel), et plus globalement à cultiver des influences et inspirations. Je voulais en effet tenter de construire un roman « à la modernistes », et pour ce faire je souhaitais explorer du style, de l’écriture française. Des lectures exploratrices et boulimiques qui allèrent donc sur les territoires du modernisme : les romans en dialogues de Claude Mauriac, les trois premiers « Hommes de bonne volonté » de Jules Romains, beaucoup de Pierre MacOrlan, relire du Carco, Dabit ou Salmon, lire ou relire Calet et Fargue mes piétons favoris, mais aussi regarder du côté de Gracq et de Beucler, pour la poésie urbaine Jacques Réda et pour la poésie rurale Jaccottet et Roud… En polar, toujours approfondir le champ de ces auteurs injustement effacés par la gomme du « noir » : Noël Vindry, Louis Thomas, Jacques Decrest, Raymond Las Vergnas, Claude Aveline, les beaux volumes du CLP… Toujours plonger dans le flot Simenon… Des lectures très inactuelles, peu de contemporains : quelques Modiano bien sûr ; le nouveau Xavier Mauméjean entre histoire, aventures, légèreté et poésie grave ; le Curtis de Nicolas Texier, si ample et fluide et âpre ; le Bateau-brume de Philippe Le Guillou, un peu précieux mais bouleversant ; le remarquable et drôle Lectueur de Jean-Pierre Ohl… En traduction le polardeux italien Valerio Varesi, très simenonesque et doucement atmosphérique… En anglais malgré tout des poèmes d’Etel Adnan et des polars de Dorothy Sayers… Une vieillerie jeunesse prise pour le bon état de sa reliure rouge et or et pour la langue de son début (Trois collégiens en vacances de A. Laporte, 1877)… Une cure des Michel de Georges Bayard en « Bibliothèque verte », qui s’avèrent d’excellents polars classiques… Qu’oublie-je ? Plein de livres certainement, mais l’été s’achève et je suis un peu las. J’écris toujours.

#5102

Intéressante expression trouvée dans un roman : être « dream-sick » (oui je recommence à lire en anglais, après un très long régime de littérature française). Ce matin, réveillé très tôt pour tenir un rendez-vous, je rêvais que j’étais en visite chez Marcel Gotlib. Je me trouvais en compagnie d’une copine et d’un copain — mais pas des personnes que je pourrais réellement identifier, c’est curieux ces protagonistes imaginaires — dans un grand appartement meublé de manière bourgeoise très classique, mobilier de style en bois sombre et plein de grands miroirs aux encadrements dorés et moulurés. La copine évoquait le fait d’être à Auteuil mais par la fenêtre d’un balcon se dévoilait toute une ville vue de très haut, genre depuis un flanc de colline, et des montagnes se devinaient sur l’horizon clair. Assis sur un canapé en velours rouge sombre, Gotlib penché sur une table basse dessinait à la peinture blanche des motifs sur de grandes feuilles noires, un peu comme pour un papier peint, pas du tout dans son style.