#3044

De temps à autre, je me pose à la table du jardin et j’écoute, rien de plus. C’est mon zen du quotidien. L’environnement sonore. To-go-dok to-go-dok to-go-dok un train passe, le son d’une corne, un autre file en sens inverse, direction Arcachon, sous les rails la plage. Un chat noir et blanc miaule en haut du mur. Un bourdon à la fourrure zébrée bourdonne dans les fleurs de verveine. Un bref bruit de scie. Le souffle long et sot d’un bus dans la rue. Le zonzon d’un insecte. En fond, la rumeur indistincte du boulevard comme celle d’une marée basse et de petits piac-piac de volatiles flottant dans le bleu immobile, aussi un lointain cui-cui-cui répétitif. Les feuillages bruissent doucement. Quelques sifflements épars : les martinets sont-ils revenus ?

#3043

À quelle vitesse un figuier pousse-t-il ? Pas à vue d’œil, d’autant que je n’ai pas que ça à faire de surveiller un figuier, mais tout de même, ses grandes mains vertes et rugueuses sortent et se déploient avec une précipitation prodigieuse et l’arbre déborde de toute part, il occupera bientôt tout l’espace et se dispute en silence avec le buisson de fuschia.

#3042

Après la nuit mauvaise, se promener à pas lents dans le quartier encore humide, où sous chaque arbre, au coin de chaque mur, un peu d’ombre grise sédimente encore. Pour écrire il convient de prendre une sorte d’élan et celui-ci manque aujourd’hui, tant pis, l’article commencé hier attendra bien encore quelques jours, la lassitude ferme mon horizon. Dans l’anse ferroviaire, les rails brillants coulent à pleins bords. Cette vallée qui il y a peu encore s’ourlait au loin du vert des coteaux est close désormais par les immeubles toujours plus hauts et plus serrés, sottes sentinelles de la cupidité immobilière d’une municipalité passée qui sévit encore. Le vent glisse sur les rues en froussements subits et le boulevard se perd dans une tranquille solitude.

#3041

En insomnie, j’eus la curiosité de regarder au dehors. Un froissement incertain couvait la ville d’un lait bleuté, la lune ayant pris congé. Dans l’échancrure entre la résidence et la maison voisine le petit jour flottait, une respiration d’un cyan cru piqueté d’électricité. Descendu, j’ouvris la porte sur l’ombre du jardin et, incrédule, humai un instant la brume accrochée aux écailles du fuschia et dans la bouche du figuier. Ça goûtait la fumée et l’eau et déjà la lumière tournait au bleu poussiéreux. Un petit vent entortillé de pluie vacilla dans les arbres et me repoussa à l’intérieur, bâillant et frissonnant.