#2465

Hier soir il faisait relativement bon et sur la terrasse, levant le nez, j’ai regardé la lune, pleine et imposante, devant laquelle glissaient des nuées bleutées. Ce soir, on nous annonçait la « super moon » mais j’ai beau scruter, le ciel reste vide, bouché d’un couvercle gris rougeâtre. Ah mais si, la voilà, elle se lève et le ciel se fragmente de nouveau en larges écailles bleues. La lune est là mais elle ne me semble pas plus grande qu’hier. Des nuées en échardes noires flottent au ras des toits, il s’agit en fait de déchirures vers le ciel nocturne. Un train passe en ronflant et quelque chose tinte au loin, vers le boulevard.

#2464

Une raison de plus d’avoir envie de retourner à Londres au printemps prochain : à la fin de ce mois, le Design Museum rouvre dans de grands locaux, après tant d’années à s’être tenu serré dans l’ancien entrepôt à bananes des bords de la Tamise. Depuis le temps qu’ils espéraient un tel déménagement, cela fait réellement plaisir. En dépit de sa qualité, ce musée n’a jamais profité de fonds publics. J’ai hâte de le redécouvrir, et de voir enfin toute sa collection permanente — je note d’ailleurs une erreur dans un récent papier du Guardian, qui affirme que la collection permanente n’a jamais été exposée. Le journaleux doit être très jeune, car moi je me souviens fort bien qu’elle l’était, exposée, aux tous débuts du Design Museum. Sylvie t’en souviens-tu? Nous l’avions visité ensemble, la première fois. Il y avait une DS près de la baie vitrée et un petit logiciel où nous nous étions amusés à designer une brosse à dents. Mais allez, je dois bien admettre que je le regretterai, ce petit bâtiment blanc du bout des quais, tant j’y ai de très, très nombreux souvenirs (ah l’expo sur l’aluminium, Olivier). Londres ne cesse de changer.

#2463

Fan comme je le suis à la fois de la fantasy urbaine et de l’histoire des littératures du merveilleux, je ne suis pas peu heureux d’avoir donné cette semaine à l’imprimeur les fichiers de Sombres cités souterraines de Lisa Goldstein, qui sort aux Moutons électriques en janvier, traduit par mon excellent camarade Patrick Marcel. Un superbe roman qui part du constat que j’ai fait plusieurs fois dans le Panorama, celui d’une singularité de la fantasy dans le fait que pas mal de ses chef-d’œuvres proviennent d’un récit fait par un adulte à un enfant. Dans le comics Unwritten, Mike Carey a travaillé sur une idée semblable, le thème est très riche et intrigant.

« Vous savez ce que je crois ? reprit Ruthie. Vous dites que vous avez déjà vu ça. Je crois que votre mère avait raison – je crois que vous lui avez vraiment raconté ces histoires – mais à présent, je me demande si vous avez été le seul. Il y a une tradition d’adultes qui inventent des histoires pour les enfants, mais peut-être… Peut-être qu’ils ont tous débuté comme votre mère a commencé ses livres, peut-être que c’était en fait les enfants qui ont raconté ces histoires aux adultes. Le point de vue établi veut que Lewis Carroll – Charles Dodgson – ait inventé ses histoires pour Alice et ses sœurs, et que J. M. Barrie ait conté ses récits à cinq jeunes frères, dont l’un se prénommait Peter. Mais si ça s’était passé dans l’autre sens ? Si différents enfants, à différentes époques, étaient tombés par hasard sur cet endroit – ce Monde en Bas – et avaient essayé de l’expliquer à un adulte ? Et vous voyez : les aventures d’Alice se passent sous terre – c’est même le titre d’origine : Les Aventures d’Alice sous terre. Et les histoires de Barrie parlaient d’un endroit qui s’appelait Neverneverland, le Pays Imaginaire – peut-être que le nom dérive de Nether Land. Et pourquoi pas Le Vent dans les saules ? Il y a là un personnage qui s’appelle Taupe, et Kenneth Grahame a inventé les histoires pour son fils Alastair… »