#2568

Rêvé de mon vieil ami Michel Pagel, il habitait provisoirement dans un appartement en dessous du mien, dans un immeuble ancien très élevé à flanc de coteau, à Chinon (Touraine), ville que je lui faisais visiter un peu… C’est amusant en ce qu’en m’endormant hier soir je me suis dit que je ne faisais plus du tout de rêves de villes étranges / réimaginées, depuis que je suis à Bordeaux qui figurait grandement dans mes rêves urbains auparavant…

#2567

Mon menu lopin sous le haut mur ne l’a pas encore vraiment réalisé mais la saison rousse est bien là, pour ma part je l’ai compris ce soir. Sous un ciel déjà outremer lorsque sonnent les 20 heures, les têtes orangées emmanchées au bout d’un long cou s’allument timidement, hésitantes, brouillant les ombres. Elles accentuent la teinte automnale qui s’est emparée de la petite place pas loin de chez moi, celle qu’enserrent les grises maisons de cheminots, d’un côté, et les blancs pavillons sixties, de l’autre. Un brin de vent fait crisser les feuillages et lève une senteur sèche, alors que pourtant d’intermittentes averses ont martelé tout le jour. Le sol se jonche de boucles rousses, les tilleuls entament leur calvitie hivernale.

#2566

Je lisais à l’instant sur le blog de Christopher Fowler que « The more you look at old films, the more you realise that London passes through distinct cycles, from sumptuous cleanliness to appalling filth. » C’est finalement un cycle par lequel passent toutes les grandes villes, je pense. Et curieusement, autant j’apprécie que Bordeaux soit maintenant largement entré dans sa période « sumptuous cleanliness », en espérant que le haut du cours de l’Yser et tout le cours de la Marne rejoignent enfin ce mouvement… autant j’ai bien au contraire des réticences et bien des regrets concernant Londres, que je vois au fil des années se modifier au point d’effacer la plupart de mes repères favoris. Le canal du Régent est en train d’être transformé du recoin tranquille que j’aimais tant en une autre de ces débauches d’immeubles pour riches et de toc pour touristes ; idem Camden Market, déjà rasé en grande partie ai-je constaté la dernière fois ; le marché de Smithfield, le seul indemne jusqu’à présent, va être en partie transformé en une nouvelle incarnation du London Museum, et que va-t-il advenir de la rotonde qui abritait historiquement ce dernier dans le quartier de Barbican ? Sans parler de la hausse des loyers (et de la montée inexorable de l’illettrisme), qui a fait disparaître la majorité des librairies et bouquinistes de la capitale britannique. Un ami postait l’autre jour sur mon mur FB le strip ci-dessous, qui se moque clairement du style abscons et prétentieux de Iain Sinclair (je désespère de jamais parvenir vraiment à lire ce grand auteur de Londres, hélas), et j’avoue que concernant le « disapproving of gentrification » je suis guilty as charged… et ce non en raison d’un snobisme, comme Sinclair, mais simplement parce que j’ai de l’âge et une mémoire, sans doute…

#2565

Maxi insomnie cette nuit, j’en ai profité pour finir de lire l’épigone lovecraftien précédemment évoqué et pour revoir la comédie sherlockienne Without A Clue, avec Michael Caine, Ben Kingsley et Jeffrey Jones. Je n’en avais guère de souvenirs, eh bien ma foi, c’est assez impeccable. Genre fascinant que la comédie (quand elle est réussie). Eh oui, des images qui bougent : vers 5h du matin je n’avais pas les neurones assez actifs pour continuer à lire le bouquin suivant, à savoir Krollebitches, les « souvenirs même pas en bande dessinée » de Jean-Christophe Menu. Une sorte d’autobiographie de ce bédéaste et éditeur, sous forme d’évocation des chocs bédé de son enfance, de ses débuts, de sa jeunesse. Une lecture qui m’intéresse à plusieurs niveaux, puisque Menu a mon âge, que je le suis depuis toujours — je lui achetais ses fanzines à chaque Angoulême, autrefois — et que tant ses propres œuvres que son parcours me « parlent », bien souvent. Bien que n’ayant jamais eu l’occasion de discuter avec lui, j’ai l’impression d’un peu le connaître, et ses souvenirs / analyses offrent une lecture assez originale. Une vie en livres, en pages, versant « culture populaire », forcément que cela me parle.