#2806

Pas vraiment dormi cette nuit, pourtant il ne faisait pas trop chaud mais je me sentais anxieux et déshydraté, au point que je suis descendu reprendre une douche. Dehors, un soupçon de musique arabe flottait dans l’ombre, venue de loin ou jouée très bas. J’ai relu en entier Maigret a peur, où comme de bien entendu il ne cesse de pleuvoir, puis je suis redescendu écrire un peu, j’avais une scène et demi à finir, justement des moments de pluie nocturne, j’en ai profité. Bien sûr ce matin je n’étais pas exactement très frais, c’est les yeux encore enflés et la tête vague que je suis sorti prendre un bus, direction le quartier Saint-Michel. Il me fallait acheter au marché quelques légumes et fromages, et puis ça m’a remis d’aplomb. Peu de livres à la brocante ou du moins les mêmes qu’il y a quinze jours, manque de renouvellement, j’ai cependant eu l’œil attiré par un portrait de jeune mec brun, sur une reliure toilée : un dessin de l’excellent Paul Durand, le genre qui certainement a formé en partie mon goût — mais bref, donc, un recueil de contes de Kipling, chez Delagrave, 1959. Et l’un des derniers du recueil pourrait aussi bien représenter Bordeaux, après tout (quoique nous n’ayons pas, ou plus, ou très peu, de mouettes).

#2805

Jours d’été, un peu paresseux, un peu languides. La maison est dans une pénombre encore fraîche, je n’ouvre plus les volets du bureau, je bosse autant que possible dans le salon — que le velum teinte d’orangé — et sur la terrasse, sous le petit arbre. Je bosse un peu pour les Moutons (commande de papier, signature de devis, corrections, bouclage de London Noir) et j’écris un peu, aussi, sans me presser quoique tout de même ça avance vite. 150 000 signes à cet instant, il ne faudrait pas dépasser les 250 000. Ça ira bien. Je suis moins assidu que l’an passé, envie de tranquillité. Je relis toujours des Maigret, avec un mélange de tendresse et d’admiration. Je viens de glisser une allusion à la Nuit du carrefour dans mon roman et mon perso est très bougon, cette fois, influence du commissaire oblige. L’an dernier j’étais sous perfusion de Modiano, cette fois c’est Simenon, j’aime bien me glisser dans des univers, comme lecteur mais aussi, légèrement, comme écrivain, mouiller un petit peu mon inspiration à quelque chose des autres.

#2804

Ne rien faire : depuis le banc, regarder deux citrons voleter dans la lavande, oscillant d’une fleur à une autre comme des lamelles de lumière ivres de parfum ; voir les bambous gesticuler au-dessus du pignon de la maison ; contempler le balancement des gauras au sein du bouquet de pois de senteur ; apprécier le passage sur fond de bleu d’une hirondelle ou d’un pigeon, tandis que de gros nuages tordus défilent en frise blanche tout en bas du grand ciel.

#2803

La journée fut idéale, sur le vert de l’herbe, sous les arbres et l’éclat du ciel, avec les bulles du champagne, à rire et papoter avec les cousins et les cousines ; ç’aurait été beau si un copain ne m’avait annoncé alors qu’un vieux camarade venait de succomber à son cancer. Philippe Monot l’Aixois, dont j’avais récupéré l’un des romans dans la bibliothèque de Roland et qui m’en avait dédicacé un autre, l’été dernier. J’ai un peu pleuré dans les bras de ma cousine Sylvie, fait bonne figure le reste du temps je crois, partagé entre les sourires et le vague à l’âme, le cœur gros. That’s life.