#2691

C’est une discipline, une contrainte que je n’arrive pas à m’imposer le reste de l’année malheureusement : écrire, tous les jours, un nombre minimum de signes. Dix mille signes au minimum, jamais moins, parfois plus. Ainsi le roman avance-t-il, et cela va avec une sorte de discipline mentale, une tension assez jubilatoire, je me plonge dans l’écriture, je m’y tiens, les fils de mon histoire ne cessent de se dérouler dans ma caboche, ça m’emplit la tête et la nuit précédente ça c’est même un peu glissé dans mes rêves. Nécessaire obsession pour écrivain qui n’a que l’été pour se concentrer. Allez, j’y retourne. Installé sur  la table métallique de la terrasse, ombragé par le feuillage du piéris de la vieille voisine, qui déborde assez largement sur mon jardin, ciel bleu, un peu de vent, tout va bien, je répète, tout va bien.

#2690

Les cordonniers étant les plus mal chaussés, j’ai dans mes tiroirs plusieurs romans qui n’ont pas trouvé à paraître… Un éditeur devait m’en publier deux et me faire écrire les deux suites, il me paya et… n’avança plus d’un pouce, plus de nouvelles de lui ; soumis à un autre éditeur qui m’en avait fait la demande, je m’entendis répondre qu’il allait les lire cet été — c’était il y a trois ou quatre ans de cela. J’avais publié un polar jeunesse chez Mango, vente vers les 6500 exemplaires, ces dames me commandèrent la suite, écrite, acceptée et payée… et Mango cessa de publier des romans jeunesse. Un éditeur entre psychogéo et nature writing devait se monter, j’avais préparé un petit volume… et puis rien ne se fit. Bref, j’ai soumis ce dernier à un nouvel éditeur — j’ai envoyé mes deux polars jeunesse à un autre — et je vais consacrer mon été, à partir d’aujourd’hui même, à écrire de la fiction. Non mais alors.

#2689

Le premier mois, tout ce calme m’avait surpris, au point qu’il me semblait que des réserves de silence se massaient quelque part, peut-être dans l’un des angles blancs du plafond du salon, et j’accueillais la pluie de ce mois de février comme une présence bienvenue, son tambourin à l’étage rompait ma solitude. Depuis je me suis fait au calme mais en une fin de journée estivale comme celle-ci, je me surprends à goûter avec un rien de surprise la respiration de la maison : le tic-tac de l’horloge Spirou dans la cuisine, les battements intermittents de la porte des toilettes dont la fenêtre demeure entrebâillée, le souffle d’une chatte endormie quelque part, à peine la rumeur d’un train au bout de la rue, presque rien.

#2688

J’avais hésité, ce matin, redoutant le bleu écrasant du ciel, mais me suis tout de même rendu à la brocante dominicale. Sous le regard brûlant du soleil et celui protégé de verres sombres de Patrick j’ai donc acquis quelques polars jeunesse, une série de fantasy par Moka, trois Super Picsou Géant (oui il m’en manque encore) et une Assiette au beurre en parfait état, le numéro de Guillaume sur l’espace (en fait un futur de dirigeables) que j’avais déjà mais incomplet et abîmé. La cervelle encore bien tapissée d’images des Highlands, je lis un « nature writing » sur ces paysages-là et repense à la plage de Durness, si loin, alors qu’un train emplit un instant mon espace sonore, métallique et minéral au lieu de la respiration marine dont je me souviens, et sonne deux notes de sa corne ferroviaire.