#2687

Quelques souvenirs. Primo, celui d’avoir organisé le prix Rosny aîné durant une poignée d’années en compagnie de Roland C. Wagner, les dépouillements de courrier dans son étrange appartement en rez-de-chaussée à Garches (et le tri de certains bourrages d’urnes tentés par des mégalos un peu stupides), les dépouillements lors des conventions… Secundo, un matin chez mon copain nordiste Philippe C. qui devait partir au boulot mais me dit qu’il allait me présenter une amie, elle allait me plaire ; j’étais assis à la table de petit déj, la copine arrive, une certaine Christine, Philippe s’en va, je commence à papoter avec la copine et soudain Philippe revient et se marre, nous n’avons pas bougé de la table de petit déj et pourtant la journée est presque finie, aurions-nous donc papoté tout le jour, allons donc ? Tertio, des années plus tard, je persuade celle qui est donc devenue mon amie d’écrire un article, puis deux, et devant son excellent boulot je lui dis que je ne vais plus arrêter de l’embêter, faut vraiment qu’elle continue à écrire — et à ma grande stupeur, moi qui pensais à d’autres articles, la voici qui m’avoue qu’elle a commencé à écrire un roman il y a un moment et qu’est-ce que j’en pense ?

Quelques années encore plus tard, ce roman c’est Les Papillons géomètres de Christine Luce, paru aux Moutons électriques, et il vient d’être nominé au prix Rosny aîné — et je suis content.

#2686

Une journée plaisante qui s’achève sur un chagrin : un ami m’annonce la mort de Michel Suffran, le grand écrivain bordelais. Grace à cet ami, j’avais eu la chance formidable de lui rendre visite chez lui, sidérant hôtel particulier empli jusqu’à l’étouffement de livres et de tableaux. Je l’avais revu une autre fois, à la brocante dominicale. Un homme exquis, et un grand auteur qui n’a jamais joui de la renommée que méritait son talent. Quelle tristesse, je ne sais que dire d’autre.

#2685

Dans ma tête, je suis encore sur les routes des Highlands. C’est le bonheur des beaux voyages, cette provision d’images qui m’habite encore longuement après le retour, et je resongeais hier soir à ce moment dans la voiture où, à l’avant, les garçons parlaient de Twin Peaks et des X-Files et où je saisi au vol, de derrière la vitre, ce fugitif aperçu de la forêt de pins que nous traversions alors, dans une brume qui tombait par voiles gris…

#2684

Le frottement des feuillages dans l’air tiède, un filet intermittent de vent, le cliquetis des griffes de la chatte sur le parquet, les sifflements des martinets, la voix atone et atténuée d’une présentatrice de documentaire, un heurt assourdi, le grondement lointain d’une moto, les petits claquements des lamelles du palmier, les martinets qui se rapprochent et repartent, sifflant de plus belle, une lumière dans la cuisine, l’eau qui coule au robinet, le souffle et les frémissements dans les buissons, le plafond gris des nuages qui se bosselle et se lisse à nouveau, risque de pluie 30% dit la météo, un grondement orageux qui tourne, fendant lentement le ciel, puis celui d’un train, le vent se lève.

« Cette heure magique lorsque la lumière est une propriété de l’air. » (Paul McAuley)