#2744

Je viens de plonger dans mon tiroir à courrier — je reçois de nos jours si peu de lettres papier de copains qu’un simple tiroir suffit… je voulais réunir ma collection des cartes de vœux dessinées de Patrick M. et sacrédié j’en ai… trente et une ! Ça c’est de la persévérance, et ô combien précieux. Plus une pour un déménagement de Cathy & Roland. Et puis revu de tas de petites choses touchantes, par exemple les deux lettres de monsieur Georges Chaulet. Ou la lettre de rupture d’un garçon prénommé Patrick quand j’étais à la fac, à l’encre bleue. (Sinon j’ai à la cave plusieurs sacs des lettres de ma jeunesse, les correspondances de Roland, de Michel Pagel, de Michel Jeury, par exemple…)

#2743

Nonobstant les tracas et urgences du lundi, les dossiers administratifs et le picotement incessant des mails et des sollicitations de mon attention, je suis pourtant censé me trouver en « période calme » et, de fait, ce week-end je n’ai guère fait que lire et écrire. Ah, écrire de la fiction, cette liberté, cette petite excitation singulière, je n’en ai que si peu le temps. Je n’ai pas trouvé à achever encore mon petit roman de cet été, mais en revanche j’avance dans une nouvelle et y prend grand plaisir. Cogiter à mon rythme, lentement, ou au contraire écrire soudain un paragraphe au plus vite pour suivre ma pensée sans la perdre de vue – je me suis remis à l’écriture manuscrite, pour ce texte là. Ah, et puis c’est le temps du bouclage de deux articles, pour une revue et pour un magazine, et c’est là une autre forme de satisfaction.

#2742

Ce matin, je me suis levé trrrrès tôt. Non, mais alors, vraiment trrrrès tôt : vers 6h du matin. Pour aller faire une présentation des Moutons électriques à des bibliothécaires de la région de Saintes, en compagnie de mon gentil confrère de chez Monsieur Toussaint Louverture, le tout organisé par ma camarade d’études, Emma. Et c’était très bien, c’est pas ça, mais bon, 6h c’est… tôt. Et j’ai encore coincé quelque part dans la mémoire, le souvenir un peu halluciné d’une boule d’un jaune citron, vive et brouillée, éclaboussant soudain le bas du ciel, derrière la vitre du train, en plein cœur d’un paysage de bleu roi et d’une brume grisâtre, rayés des stries d’ombre profonde des arbres. Un peu avant 9h du matin. La Saintonge en hiver, y’a pas, c’est du post-apo.

#2741

Il faisait beau sur Bordeaux, ce matin, cette sorte de soleil froid de l’hiver qui teinte les dessous du réel d’une teinte orangée et vive. J’habitais depuis peu dans un immeuble dont l’architecture mimait un empilement de grands bidons métalliques jaunes, un voisin m’expliquait que le bâtiment était classé mais que l’on songeait malgré tout à rehausser le ton de jaune pour qu’il soit plus pimpant. Descendant la rue vers la gare, je remarquai que l’on avait abattu quelques maisons, laissant seulement la silhouette maigre d’une construction en briques, très haute, avant le pont. Depuis le parvis de la gare Saint-Jean, l’arrondi de la baie laissait monter le murmure des vagues et de l’autre côté, dans le lointain gommé d’une brume lumineuse, se distinguaient les colonnes et les minarets, les immeubles et les maisons, d’une ville sur des collines au bord de la mer, dont je me demandais vaguement s’il pouvait s’agit d’Istanbul, mais non, ce grand temple atlantéen sur le port, ça ne pouvait être ça. La plage était de gravier, au-dessus de laquelle brillait la coupole de la gare, et je resongeais au train qui lorsqu’il arrive à Venise traverse la lagune au ras de l’eau. Du froid montait de la mer et je me suis réveillé.